Michael Moorcock

Sous son dais de lumière violette, qui ne semblait pas pénétrer jusqu'à la cité proprement dite, Shanalorm rêvait. Certains de ses bâtiments bizarres avaient fondu et demeuraient dans un état semi-liquide, on en discernait encore les contours ; d'autres pourrissaient : sur leur carapace ondulaient moisissure de machine et mousse d'énergie, jaune-vert, bleu bilieux, brun rougeâtre, gémissant et chuchotant dans leur quête de fissures nouvelles par où suinter des réservoirs ; d'étranges petits animaux, indigènes aux villes, déboulaient d'ouvertures qui avaient peut-être été des portes et des fenêtres et détalaient au travers d'ombres bleu pâle, écarlates et mauves, que ne projetait rien de visible ; ils traversaient à la nage des flaques scintillantes d'or et de turquoise, pour faire ripaille de plantes à demi métalliques qui, pour leur part, se nourrissaient de radiations insolites et de cristaux aux structures énigmatiques. Et, pendant ce temps, Shanalorm se chantait à elle-même mille chansons entremêlées, mille harmonies hypnotiques. Autrefois, disait-on, la ville entière, douée de sensibilité, était l'être le plus intelligent de l'univers, mais, devenue stérile, elle n'avait plus que des souvenirs fragmentés. Des images apparaissaient çà et là, par éclairs, sur le métal-joyau pourrissant des édifices : des scènes illustrant la splendeur de Shanalorm, de ses habitants, de son histoire. La ville avait porté bien des noms avant de s'appeler Shanalorm.