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Biographie :

Après six ans de voyage ininterrompus à travers tous les continents, Michel Stone s'attache plus particulièrement à l'Orient sur lequel il publie « Incroyable Asie », description fouillée de tous les pays situés entre le Bosphore et Singapour. Mais sa terre d'élection reste l'empire du Soleil Levant, ces « Iles Vertes » dont le présent temple passé n'ont pas fini de nous étonner. Michel Stone (son épouse Hisako est nippone) a longuement séjourné au Japon, visitant les endroits les plus reculés, pénétrant le caractère, le mode de vie les aspirations d'un peuple dont il admire les qualités sans omettre les défauts.

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Citations et extraits (9) Ajouter une citation
L'adjectif shibui concerne le nec plus ultra de cette esthétique, d'une « austère qualité ». Terme complexe, intraduisible, proche de notre «raffiné», il porte à son point culminant la notion de « bon goût ». Il s'applique aux choses usuelles, à la présentation d'un mets, à la manière de se vêtir, au comportement de chaque individu. Pour qu'un objet mérite ce vocable, il doit être simple mais intéressant, exquis dans la sévérité, âpre et rustique mais non grossier, frustre et patiné jusqu'aux limites du délabrement. Les teintes douces, neutres, mates et toujours dégradées l'emportent sur la polychromie, les couleurs tranchantes et le vernis. L'originalité sans prétention et la noblesse de l'unicité ayant bien plus d'importance que le fini, aucun usinage en série n'est admissible. Enfin, la matière brute doit rester visible en l'un ou l'autre endroit de l'objet. Ce respect quasi religieux de la substance rappelle que les Japonais se sentent intimement liés aux trois règnes de la nature. Ils s'étonnent donc de voir une statue peinte, une poterie totalement recouverte d'émail, un corps dont le grain n'est pas mis en valeur.
L'artiste en quête de shibui met son étonnante habileté manuelle au service d'une matière qui serait une collaboratrice traitée en égale. (Hors du Japon, seuls les Scandinaves appliquent à la lettre ce dépouillement esthétique. La pureté de leurs « lignes fonctionnelles » a d'ailleurs conquis bien des Occidentaux.) Ennemi juré de l'ostentation, il ne veut pas d'une beauté qui se révèle au premier coup d'œil, car on se lasse plus rapidement d'une satisfaction trop aisée, d'un plaisir immédiat que des joies sereines d'une lente découverte. Péjoratifs en Occident, les mots terne, usé, imparfait, déterminent au contraire l'excellence d'un objet shibui. Le brin de paille dans une céramique, un émail craquelé, l'irrégularité volontaire ou fortuite rehaussent l'originalité d'une œuvre parce qu'ils éveillent l'intérêt de celui qui la contemple.
[...]
« Les ans sont aimables pour les choses, cruels pour les humains. Mais tout ici-bas n'est qu'un bref passage entre l'éclosion et l'inéluctable anéantissement », disent les Japonais.

(pp. 261-262)
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Heureuse période que l'enfance japonaise, la seule qui ne mette pas un frein à l'indépendance, à l'expression personnelle de l'individu. Le marmot, plus encore que le père tout-puissant, est le véritable roi de la famille, voire de la société nippone. Objet de soins éclairés, constante préoccupation de tous, il jouit de libertés supérieures à celles des petits Occidentaux. Les parents ne corrigent point leurs enfants. Ils s'efforcent d'obtenir leur compréhension plutôt que d'exiger une obéissance aveugle, et les reprennent à cinq ans comme on raisonne un adulte. L'appel au bon sens remplace ici menaces et punitions. Si, malgré tout, ces procédés s'avèrent infructueux, on mettra le mauvais naturel du polisson sur le dos d'Inari, le renard-dieu plein de malice et de ressources qui présida à bien des pièges de l'existence. On lui dédie de nombreux temples où les pèlerins viennent en masse solliciter son intervention pour que s'améliore la conduite des petits garnements.

(p. 139)
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Nous parcourons maintenant la province de Shizuoka où se cultive le thé, boisson nationale par excellence. Les arbrisseaux, dont la feuille cirée rappelle le buis, couvrent chaque pente disponible, tapissent vallons et collines de leurs grosses boules vertes soigneusement alignées. Mille haies trapues, moutonnées, luisantes épousent ainsi à perte de vue les courbes du relief et disparaissent sur l'autre versant. J'ignorais que le thé à la menthe servi dans les cafés maures de Casablanca, d'Alger ou de Tunis pût venir de si loin : les pays nord-africains sont parmi les plus gros clients des planteurs nippons. Originaire de Chine méridionale, le théier fut introduit au Japon en 1191 par un bonze nommé Eisaï, mais ne prit son essor définitif qu'au treizième siècle lorsqu'un autre moine créa les plantations d'Uji, près de Kyoto. D'abord considéré comme infusion médicinale, longtemps réservée aux prêtres et à l'élite, le thé participa à la vie quotidienne, passant tour à tour du profane au sacré. On sèche les feuilles tout de suite après la cueillette, sans fermentation préalable, ce qui donne un breuvage transparent, d'un jaune verdâtre, si délicatement parfumée que bien des Occidentaux le trouvent insipide. Les Japonais en consomment des dizaines de tasses par jour, ne le sucre jamais et l'absorbent si brûlant qu'ils font souvent peler leurs muqueuses.

(p. 231)
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Après le thé, les fleurs. Guidés aussi par l'optique zen, les maîtres japonais firent de l'arrangement floral (ikébana) une véritable communion entre l'âme humaine et le « cœur végétal ». Chaque fleur, nous dit l'Orient, possède des secrets merveilleux qu'elle dévoile à ceux qui peuvent établir avec elle un accord parfait, une profonde intimité… Une telle exigence nous étonne, hormis le Petit Prince de Saint-Exupéry [souvenez-vous : la toute petite planète sur laquelle il vivait seul à seul avec une rose…], car notre sens du beau se noie fréquemment dans la profusion. Les Japonais, à l'affût du secret des choses, recherchent au contraire le détail isolé de la masse. Pour eux, lignes et justes proportions l'emportent sur le volume ou la teinte. La limitation de la quantité permet de « faire parler un bouquet vivant », de donner au moindre bouton le droit d'exprimer un état d'un âme. Cette perception du langage floral nous ramène à la notion subtile de l'harmonie dans la sobriété, vertu cardinale de l'esthétique zen.

(p. 260)
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Jadis, aucune femme ne pouvait faire l'ascension de la montagne sacrée [le mont Fuji], et c'est Lady Parkes – épouse d'un diplomate anglais – qui osa la première braver l'interdit. C'était en 1867. Depuis lors, il y eut bien d'autres sacrilèges, celui d'installer un observatoire au sommet ou d'encombrer ses pentes de toutes les ordures laissées par les foules innombrables qui le gravissent chaque été. Tout japonais se doit en effet d'aller assister au lever du soleil : le Goraïko purificateur. D'après un proverbe nippon il existe deux sortes d'imbéciles : ceux qui n'ont jamais fait l'escalade et… ceux qui l'entreprenne une seconde fois ! Je n'ai pas l'intention de répéter l'exercice. Il vaudrait mieux demander à mes chevilles, à mes genoux et aux courbatures des jours suivants, la première impression laissée par huit heures de montée nocturne dans la pierre ponce et la scorie ou le pied recule à chaque pas. Un chapelet d'immondices et d'espadrilles usées jalonne la piste. De temps en temps, une station de repos vous redonne du courage ou permet d'étancher une soif rendue inextinguible par l'épouvantable poussière soulevée par une ribambelle d'autres grimpeurs et, surtout, ceux qui dévalent la pente à toute vitesse dans cette lave granulaire.

(p. 230)
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À la réalité physique du mont Fuji s'ajoute une présence continuelle dans l'âme des Japonais, trait d'union entre la terre des hommes et le séjour des dieux comme l'Olympe de la Grèce antique ; nul n'en dissocie les formes extérieures et la notion du sacré. Il fait parti intégrante de l'archipel et de son histoire, proche des joies, du malheur, de l'amour, du trépas, de l'espérance ou du désespoir des gens qui vivent à son pied. Depuis des siècles, l'abîme glacial de son cratère accueille volontiers ceux qui n'ont plus rien d'autre à perdre qu'une vie manquée, les coupes maudits, l'amante désertée, le soupirant éconduit. Cette gigantesque cheminée communique d'ailleurs avec l'enfer, mais elle a cessé de vomir lave et fumée depuis la dernière éruption de 1707. Tranquille et silencieux, le gouffre noir paraît attendre la prochaine colère des Grands Alchimistes…

(p. 231)
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Le XIX e siècle a commencé en kimono ourlé d'or et s'achève en complet veston noir. Entre-temps, on a tout cru, tout renié, tout tenté, tout réformé. En moins de cinquante ans, la restauration va renouveler de fond en comble la structure de la société, les méthodes d'administration, les fondements économiques et politiques du pays. Les castes et les privilèges féodaux dus à la naissance sont abolis. Les samouraï se voient interdire le port de l'épée, symbole de leur prestige. Les fiefs sont remplacés par des préfectures (ken) dont les gouverneurs seront les anciens « daïmyô » (seigneurs) eux-mêmes. Les écoles se multiplient et propagent jusque dans les villages les plus reculés une éducation de qualité qui deviendra obligatoire. Tout l'enseignement est néanmoins imprégné d'un nationalisme intense qui prône la dévotion absolue à l'empereur et à l'État, le respect des lois, le rejet de tout individualisme. Cette orientation aura plus tard des conséquences désastreuses.

(p. 111)
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Il n'est pas plus facile de quitter le Japon, qu'un être cher. Car ce pays envoûte, même si l'enchanteur est cruel. L'amas de bibelots dont l'étranger s'encombre au retour est plus qu'un souvenir exotique. Ces objets portent en eux les germes d'une profonde et persistante nostalgie. Sayônara !

(p. 321)
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Au Japon, le soleil levant est plus qu'un emblème national. Il symbolise le feu purificateur, le retour de cette lumière qui dissipe l'obscurité de la nuit comme la bonté d'intentions chasse les ténèbres du cœur humain.

(p. 231)
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