Alphonse Daudet
La Doulou
1887-1895
(Suite de notes non datées portant sur sa maladie, prises au cours des douze dernières années de sa vie)
(…) Un domestique est entré, a posé un livre ou je ne sais quoi sur la table. J'ai relevé la tête, et, à partir de ce moment, j'ai perdu toute notion pendant deux ou trois minutes. Je devais avoir l'air bien stupide, car le domestique m'a expliqué, devant l'interrogation de ma face, ce qu'il était venu faire. Je n'ai pas compris ses paroles et ne me les rappelle plus. (...)
Pierre Loti
11 octobre 1886
(…) Nous passons la soirée à plier des lettres de faire-part de notre mariage.
Et j'ai hâte de partir parce qu'elle m'attend, elle, la pauvre que j'ai aimée si fort il y aura tantôt quatre ans. Quelque démon l'a remise encore sur ma route. Elle m'a demandé encore une nuit. J'avais dit non mais son regard m'a fait mal. Et puis elle m'a rappelé que, par grâce, elle m'avait accordé « encore une nuit » elle aussi, trois jours avant son mariage... Alors j'ai dit oui... La nuit est fiévreuse, presque pénible... Elle m'aime comme je l'aimais, elle souffre comme j'ai souffert. Et les mêmes caresses désespérées que je lui avais faites jadis, elle me les rend aujourd'hui. Je me suis bien vengé d'elle. (…)
Jules Renard
17 mars 1890
Je passe un bien vilain moment. Tous les livres me dégoûtent. Je ne fais rien. Je m'aperçois plus que jamais que je ne sers à rien. Je sens que je n'arriverai à rien, et ces lignes que j'écris me paraissent puériles, ridicules, et même, et surtout, absolument inutiles. Comment sortir de là ? J'ai une ressource : l'hypocrisie. Je reste enfermé des heures, et on croit que je travaille (…)
Jules Renard
29 décembre 1888
Que de gens ont voulu se suicider, et se sont contentés de déchirer leur photographie ! (...)