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Citation de enkidu_


Le communisme était encore, en cette année 51, la seule tentation logique et raisonnable depuis la fin de la guerre dont il sortait grand vainqueur, auréolé d’un prestige immense volé en majeure partie aux obscurs héros de la lutte souterraine et aux combattants sans étiquette des maquis. Certes, le communisme forçait la note, mais il y était obligé au niveau des militants pour recouvrir du voile de l’oubli la criminelle collusion avec l’Allemagne. Pour les uns, il relevait le flambeau du nazisme vaincu dont la disparition laissait comme une horrible nostalgie dans le cœur des révolutionnaires. Pour les autres, il refusait le monde aveuli qui avait permis cette dernière guerre. Rien ne pouvait être pire que l’angoisse et la peur dans laquelle nous avions vécu. Rien. Et on ne nous proposait que de vieilles solutions où le matérialisme s’appelait bien-être. Matérialisme pour matérialisme, celui du communisme avait au moins le mérite d’être franc et inspiré par l’enthousiasme et la fraternité. Évidemment, il ne fallait pas trop regarder du côté des dirigeants, de vieux routiers bouffis et despotiques, prompts à se renier, ni du côté des intellectuels prodigues du sang des autres, mais tous les jeunes militants – la jeune vague – débordaient de force, de vie, d’ardeur et de générosité ; et même si cette générosité s’avérait terriblement partiale, si elle ne servait que les victimes communistes et couvrait d’un monceau d’ordures imbéciles les victimes du communisme infiniment plus nombreuses, elle était encore de la générosité. Nous le savions bien que les vieilles structures craquaient et qu’il fallait les remplacer. Mais devait-on se confier aux technocrates qui préparaient, au nom de la morale, un monde d’une amoralité parfaite, ou aux communistes qui préparaient au moyen de l’amoralité un monde moral qu’ils prétendaient parfait ?

Oui, jamais la tentation n’avait été aussi forte qu’en ces années et si à quelques-uns nous butions alors, c’était à cause d’une idée surannée, une vieille lune qui s’éloignait, l’idée de la Liberté. Elle avait opposé Proudhon à Marx. Marx lui-même en avait souffert à l’intérieur de son propre système au point qu’on voyait la liberté apparaître dans les écrits de jeunesse, disparaître dans Le Capital, resurgir dans l’exaltation de La Commune de Paris, puis mourir, étouffée au nom des nécessités de l’action, dans La critique du programme de Gotha. Naturellement, Marx était un fourre-tout, une auberge espagnole, mais il avait eu la prescience du poids terrible que pèserait sur nous la société moderne industrielle. Nous lui rendions cette justice qui en vaut bien d’autres, et sous son nom nous reconnaissions que les militants étaient unis par une enthousiaste et profonde fraternité. « Camarade » restait le plus beau titre dont on pouvait saluer un homme.
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