Michel Ferracci-Porri, journaliste touristique et gastronomique, écrivain, a répondu à l'invitation de Lisa D'Orazio pour son émission In Prima.
En fait, Brian avait été programmé depuis sa venue au monde dans un but ultime : celui de réaliser les rêves de puissance et de gloire que sa mère ambitionnait pour lui quand il serait adulte.
Pauvre gosse! Il n'a jamais eu d'enfance au sens où on l'entend communément. Quelle misère de voir ça!... Sa jeunesse s'est déroulée de tout temps entre ses deux vieux parents, en fils unique et sans jamais un camarade de son âge pour partager ses jeux...Et voilà qu'à présent il se retrouve seul, vraiment tout seul au monde cette fois-ci, abandonné dans le malheur.
Monsieur, vous avez menti tant de fois durant votre courte vie, et avec tant d'aplomb, que l'on peut être très sceptique quant à la sincérité de votre repentir. Comme beaucoup de personnes dans cette enceinte, j'ai été très choqué par l'énoncé des faits dont vous vous êtes rendu coupable.
Une chose essentielle et terrible ressort de tout cela : votre attitude révoltante dans cette affaire et votre morgue qui trahissent chez vous une insensibilité à couper le souffle!.
De l'avis de tous, Brian était "le fils idéal". C'était à la vérité un grand et beau gaillard. L'allure sportive, le regard engageant, une démarche nonchalante non dénuée d'une certaine grâce et des manières souvent empreintes d'une distinction toute british faisaient de lui quelqu'un d'apparemment très fréquentable.
Comme elle refusait que sa progéniture fût une simple pièce rapportée née hors mariage et désirait qu'elle disposât d'une existence et d'une légitimité égales à celles de ses demi-frères, Jackie imposa tout de go au père de reconnaître l'enfant et que tous deux convolassent sans attendre - et en tapinois - en justes noces. Ce qu'ils firent dix-huit mois plus tard.
Sans doute jouèrent-ils de leurs connaissances afin de faire dater l'acte de naissance de telle façon que le document ne trahisse jamais le fait infâme que le petit prince était venu au monde hors mariage. Qu'il fût reconnu pleinement légitime et ne fût pas ramené au rang de bâtard ou de quarteron adultérin.
Et une nouvelle famille Blackwell avait vu le jour.
C'était un bien joli petit matin. Une aube tranquille. Un point du jour idéal tel que l'on imagine le premier matin du monde.
Et pourtant la nuit qui l'avait précédé avait été à ce point oppressante - maladroite et électrique - qu'on aurait eu toutes les peines du monde à ne pas y déceler toutes les prémices d'un terrible orage. D'un hurlement céleste imminent qui déchirerait sous peu les cieux du Merseyside.
Tout cela était allé crescendo.
Quelques instants avant que les jurés s'isolent pour débattre de son sort, et après que le président du tribunal lui avait demandé s'il avait une ultime déclaration à faire, l'accusé se leva une fois encore dans le box. Il se mit à lire une lettre qu'il avait écrite en prison dans laquelle il exprimait sa tristesse immense et son amour sans faille pour ses deux parents à qui il avait fait tant de mal. Il était livide et prêt à chanceler à tout moment.
A dix-neuf ans, Brian était un fils de vieillards, un rejeton solitaire. Il n'avait pas d'ami d'enfance. Pas même de copains de jeux qui aient illuminé un moment cette existence engoncée et désuète, pas plus qu'il n'avait de beaux souvenirs de jeunesse.
Sydney et Jackie représentaient un couple superbe, solide, des gens tout à fait respectables. Ils formaient avec leur fils Brian, un enfant sage, obéissant et solitaire aux boucles brunes et au sourire d'ange, une famille apparemment unie et heureuse.
Il a vécu comme un monstre, il est mort comme un saint