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Critiques de Michel Habart (2)
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Histoire d'un parjure

Dans la liste des 24 publications des éditions de Minuit de 1957 à 1962 sur la guerre d’Algérie figure ce cas très intéressant de « Histoire d’un parjure » de Michel HABART qui se distingue sur le fond, ne racontant pas l’Algérie en direct ou presque, contrairement à la plupart des autres ouvrages, mais fait partir sa réflexion dès 1827, date des premiers frissonnements de la colonisation. Cet essai historique sort en 1960, en pleine guerre d’Algérie, ce qui n’est bien sûr pas du tout anodin. Essai difficilement résumable par sa richesse d’informations, je ne m’y risquerai d’ailleurs pas, me contentant de signaler certains renseignements présents dans le livre.



La France de 1830 est différente de celle de 1960, le pays est une monarchie. C’est d’ailleurs en 1830 que Louis-Philippe (qui sera le dernier roi de France) remplace sur le trône Charles X. Les relations avec l’Algérie se tendent suite à une vieille dette de blé (dans tous les sens du terme) que la France n’a pas payé. Un trésor algérien fantasmé entre également en scène. Mais ne refaisons pas l’histoire, puisque ces événements sont facilement consultables sur la toile. Attardons-nous plutôt sur la partie plus concrète, c’est-à-dire les relations sur le terrain entre les colons et les colonisés, puisque telle est le travail d’historien choisi par HABART pour nous permettre de renouer avec notre mémoire collective.



Dès 1830, les premiers massacres de population civile commencent sur la terre algérienne, le peuple est asservi. Le prétexte de l’armée française est bien simple : protéger l’Algérie en lançant une chasse aux turcs, aux ottomans. Rapidement, le dialogue s’envenime. Trois proclamations françaises sont rédigées entre mai et juillet 1830, elles mettent le feu aux poudres par leurs termes ô combien belliqueux. Exemple, cet extrait de la deuxième proclamation : « Le Seigneur inflige les plus rigoureux châtiments à ceux qui commettent le mal. Si vous vous opposez à nous, vous périrez tous jusqu’au dernier. C’est un conseil bienveillant. Personne ne pourra détourner de vous la destruction si vous ne tenez pas compte de nos menaces. C’est un arrêt du destin, et l’arrêt du destin doit fatalement s’accomplir ». Bienveillance, donc, le maître mot.



Une addition simple se forge dans les esprits des conquérants, addition que nous pourrions baptiser les 3 C : Civilisation = Colonisation + Christianisation. En effet, un pas supplémentaire est franchi, il va nous falloir rééduquer religieusement ce peuple revêche, lui faire croire à notre Dieu. Très vite, le sol algérien est témoin de destructions de villages, parfois entièrement incendiés, des pillages s’ensuivent, des exécutions sommaires éclatent, de plus en plus nombreuses. C’est la prise de possession pure et simple du pays, par la barbarie, le sang et la violence. C’est sur cette violence, et en l’absence de données officielles chiffrées, que l’auteur travaille ses chiffres pour étayer ses points de vue : la population algérienne diminue drastiquement durant ce protectorat devenu colonisation. HABART s’appuie notamment sur les travaux d’un certain Sidi HAMDAN, des travaux très sérieux, mais qui choqueront la France, et qui vaudront à son auteur ainsi qu’à sa famille d’être exilés. Il mourra peu après.



Une ordonnance royale est rédigée en 1834 : « 1° Alger doit être définitivement occupé par la France. 2° Il doit l’être à titre de colonie française. […] Si les tribus prétendent conserver la possession libre et indépendante du pays, ce serait la guerre prompte et terrible, la soumission ou la destruction. […] Vous appartenez désormais à la France ».



La spéculation sur les biens algériens saisis va bon train, les massacres continuent, celui de Blida fut un point de départ. La presse n’est pas en reste dans la surenchère, dès juin 1830 on peut lire par exemple : « N’a-t-on pas le droit d’exterminer les Algériens comme on détruit par tous les moyens possibles les bêtes féroces ? ». La situation devient hors contrôle. Le pouvoir français cherche aussi à enclencher une extermination culturelle.



« L’eau-de-vie a détruit les Peaux-Rouges, mais ces peaux tannées ne veulent pas boire. L’épée doit donc suivre la charrue. […] Vous savez bien que la guerre d’Algérie est une guerre où l’on fusille beaucoup. Le premier colon pouvait fusiller l’indigène qu’il voulait ». Dans ces propos, deux aspects primordiaux. En effet, la France s’est comportée dès 1830 en Algérie un peu comme les colons européens le firent sur le peuple dit « Indien » en le massacrant et en le déshumanisant sur son propre sol. De plus, dans ce combat de 1830, on parle déjà de guerre. HABART écrira d’ailleurs qu’il s’agit de la première guerre d’Algérie, vous comprendrez alors où nous mène son propos, vers la deuxième guerre d’Algérie (même si elle n’est reconnue comme telle que plus de 30 ans plus tard), entre 1854 et 1962. Mais n’allons pas trop vite en besogne, cet essai précis, empruntant environ 500 références à de nombreux ouvrages, archives ou discours, est sorti en 1960, en pleine « deuxième » guerre d’Algérie.



Sidi HAMDAN avait alerté la France et l’Algérie en son temps. Ici, il signe l’appendice (rédigé en 1833) de cet ouvrage très documenté et assez effrayant sur la mainmise de la France sur l’Algérie dès le début du protectorat. Il est un document témoignage épouvantable mais nécessaire pour bien comprendre la révolte s’instaurant sur le terrain à partir du 1er novembre 1954, il en est une base d’une extrême importance. 9 des 24 publications de Minuit sur la guerre d’Algérie parues entre 1957 et 1962 seront saisies par l’Etat français, ce ne sera pas le cas de cette « Histoire de d’un parjure ». Pourtant ce livre peut être vu comme l’un des plus offensifs, celui qui chronologiquement vient au premier rang de cette série d’essais ou de témoignages proposée en son temps par Minuit, sans doute la plus précieuse et la plus originale des publications sur la « deuxième » guerre d’Algérie, des archives monumentales à redécouvrir, notamment grâce aux éditions Fenixx qui ont numérisé ce document rare, ainsi que d’autres des éditions de Minuit difficiles à dénicher. Ce texte de 250 pages est également consultable gratuitement et en intégralité sur la toile en format PDF (https://jugurtha.noblogs.org/files/2018/06/Histoire-dun-parjure-Ana-Flitox.pdf).



Le 4 juin 1840, par le président du Conseil royal vient une explication, sordide, à cette colonisation : « C’est au nom du droit de la guerre, le droit le plus acquis chez l’homme, que la France s’est déclarée propriétaire légitime de l’ancienne Régence d’Alger ».



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Histoire d'un parjure

Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux,



Cela fait longtemps que je n'ai pas posté de retour de lecture. En voici enfin un, durant ce mois béni de Ramadhân.



"Histoire d'un parjure" de Michel Habart, publié aux Éditions Héritage.



C'est réellement une oeuvre très importante, particulièrement d'un point de vue historique.



Le livre traite de la colonisation française de l'Algérie en 1830 et dénonce la barbarie coloniale en tant que telle, de manière construite et très instructive. Pour la dénoncer, il raconte l'histoire des débuts de la colonisation du pays par la France et explique toutes les atrocités commises par l'armée française durant la colonisation. Il ne traite finalement pas de la chronologie elle-même, mais plutôt des ignominies commises durant cette période.



L'ouvrage explique pas à pas les raisons de la colonisation, puis la prise d'Alger, la conquête de l'Algérie intérieure, et détaille la cruauté des soldats français contre les Algériens. Michel Habart, citant des sources françaises et algériennes, nous donne finalement une vision complètement anticolonialiste de l'histoire.



Il démontre l'hypocrisie de la France, dite terre des Lumières, des droits de l'homme, de la liberté et de l'égalité, face à la colonisation qui ne comportait aucun aspect véritablement bon, digne d'intérêt pour la population algérienne, voire même pour le peuple français.



Michel Habart, tout en dénonçant les ignominies de cette colonisation, démonte les arguments coloniaux, par exemple en démontrant l'existence d'une nation algérienne. Il démontre, aux gens de son époque et à ceux qui peuvent en douter, l'existence d'un peuple qui était là et qui n'avait pas vocation à être éradiqué à la manière des Amérindiens, comme le voulaient certains Français à l'époque. Michel Habart dévoile en fait l'existence d'une Algérie indépendante, islamique, prospère sur beaucoup de points et ottomane avant la colonisation, et explique en détail les mécanismes des mensonges pour la justification de cette colonisation totalement injustifiée. En fait, l'auteur traite énormément des mensonges, des manipulations et nous ramène aux faits qui sont pour le moins horrifiants.



Comme dit au début de la critique, l'ouvrage a un grand intérêt historique pour la simple et bonne raison qu'il a été publié pour la première fois en 1960, soit en pleine guerre d'Algérie. L'ouvrage a fait l'effet d'une bombe et n'a été tiré qu'à 500 exemplaires à l'époque.



Pour être honnête, l'ouvrage n'est pas accessible à tous. La plume de l'auteur reste assez lourde. Mais pour les passionnés d'histoire, c'est une pépite, car les informations qu'il donne sont extrêmement intéressantes pour comprendre cette période charnière de l'histoire de France et d'Algérie, une histoire qui a eu de si grandes conséquences sur notre vie aujourd'hui.



Aujourd'hui, les Éditions Héritage nous livrent un ouvrage extrêmement important pour l'histoire des deux pays, et je les remercie de l'avoir publié, car il était extrêmement difficile de trouver un exemplaire, l'ouvrage n'ayant jamais été réédité depuis 1960. 

Qu'Allah récompense les Éditions Héritage !
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