Tôt, très tôt dans ma vie, je me suis engagé dans cette grande querelle de la personne humaine. Il y a toujours au début d'une vie une "affaire" qui oblige à prendre un parti, une fois pour toute, à choisir son camp, celui de la dissidence, ou celui de la grande indifférence, pour toujours ; une affaire Dreyfus, un 18 juin...
Moi, mon "affaire," c'est tout ce qui rappelle de près ou de loin Mauthausen. J'ai reçu cette mission de mon père. Il m'a dit : "N'oublie jamais Mauthausen." Je n'ai pas oublié. J'ai choisi la cause qui m'habitera toujours et pour laquelle je combattrai sans compromis : la liberté et le respect de l'autre. L'autre, quel qu'il soit.
Mstislav Rostropovitch :
Ça viendra. En tout cas, il y en a deux, Soljenitsyne et Sakharov. Maintenant, le troisième chien, c'est Gorbatchev lui-même. Il a dit la même chose que Soljenitsyne, mais vingt ans plus tard. Soljenitsyne a perdu sa patrie pour avoir déclenché la glasnost trop tôt.
Il l'a annoncé le premier dans sa lettre au Congrès des écrivains soviétiques. Il a dit : "Seule la glasnost peut nous sauver." Il a utilisé le même mot. La suite des événements a prouvé que nul n'est prophète en son pays. Même si la prophétie était bonne...