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Citations de Michel Seuphor (37)


Michel Seuphor
Il faut voir les hommes de loin,
dit le sage, sur l’horizon ils se
confondent avec le ciel ; mais moi qui
suis encore naïf, je les aime de près :
le ciel de leur regard me fascine
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Pourquoi la poésie procure-t-elle ce plaisir
étrange ? Précisément parce qu'elle est étrangère
à nos embarras littéraires, à tout ce que nous
compliquons si bien de nos mains très expertes.
Mascarades !

Dépouille, dépouille, et aussitôt tu trouves
l'étrange. Jouis de la simple lumière, et aussitôt
tu trouves le dépaysement, la très précieuse
gratuité.

Ce qui est le plus près est le plus rare, de qui
ne coûte rien demande un long chemin.

p.9
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II - PENSIFS


quel voyageur ? quelle nuit ?
tu tournes en rond dans une sphère minuscule
comme les aiguilles d’une montre
pas d’issue
hurle — rien ne t’entend
même rien ne t’entend pas
hurle encore encore encore encore
tu ne t’entends plus toi-même
tu ne sais même plus que tu cries
le voilà le vorace
il est sur toi
il te flaire
il te pourrit lentement de son haleine

C’est tout ce que tu auras
et sans avoir été
ah ! comment donc que cela s’appelle ?
quelle vie ? quel voyageur ?
quelle nuit ?

p.66
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II. Pensifs


quoi ?

univers
univers
toi et moi
univers
univers
toi et moi
nous sommes unis
toi et moi
vers quoi ?

puisque nous sommes
toi et moi
puisque nous sommes
au même instant
l'un dans l'autre présent
nous sommes unis
toi et moi
vers quoi ?

Il y a au fond de toute chose
quoi qui attire quoi
vers quoi ?

il y a derrière toute chose
quoi qui pousse quoi
vers quoi ?

p.90
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II/PENSIFS

intimes étendues


1
fatigué du monde
et de soi-même
que reste-t-il
sinon d'aller en mer

car derrière les coulisses
il y a toujours la mer
aux portes du tripot
il y a soudain ce refuge
où les fausses monnaies n'ont pas cours
où les dieux de la machine
ne font pas de lois cruelles

la mer qui est un lac
et qui n'a pas de bords
la mer qui est une montagne
et qui n'a pas de fin
la mer qui est un ciel
peuplé de grands silences
la mer qui pense si visiblement
et qui ne parle pas
qui chante
et qui ne parle pas
qui berce
et qui ne parle pas
cet univers sans lieux et sans barrières
et qui vit de lumière
cette mer qui est une île
cette île qui est un œil
face à face l'unique soleil
et toi
seul à bord de ta barque
seul à bord de ton île
enlacé seul à seul
avec le rythme pur

avant même
le commencement de quelque chose

p.82-83
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II/PENSIFS

le passe-partout


1
ta présence silencieuse
gorgée de saveurs lourdes
lorsque tu sors d'ici
soleil
laissant le ciel tout rouge encore
des émois que tu causes
du bruit que tu fais

discret réveil
dans ton sillage
de l'autre ciel

si l'occident se décolore
lentement
un univers nouveau s'allume
feux sous cendres

murmures
tendresses
fines radicelles des valeurs sans poids
que ta puissance mettait en fuite
que la violence de ta passion
mettait en doute
soleil
les voici dociles à ma main
le masque tombe
une autre fête commence

p.58
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Michel Seuphor
LES VIEUX AMIS
UNE LYROMANIE POUR MARCEL JANCO

…Les vieux amis frisent la dolescence et se portent comme des charmes jusqu'à ce que le compte y est.
Comment vont les enfants ?
Les vieux amis sont coïncidents, concomitants, collatéraux, Kirghises et polyglottes. Ils vont et viennent, et dans ce monde changeant il y a ce monde qui ne change pas.
Les vieux amis sont des trapèzes volants qu'on attrape n'importe quand et qui n'importe quand vous emmènent dans un ciel plein de bulles et de flons.
Les vieux amis sentent bon le terroir,
le terreau, la terre fraîchement remuée, la fosse.
Ils phosphorent.
On les appelle à tort vieilles branches . ce ne sont pas des vieilles branches mais des rameaux verts, aussi verts que la neige.
Les vieux amis sont des caravansérails sans fin qui se souviennent de caravansérails sans fin.
Les vieux amis sont des sommets et les sommets sont des témoins oculaires, pour cela inestimables, pour cela surfaits, pour cela faciles à croquer, pour cela fleurs, pour cela frustres, pour cela faisandés, pour cela friandises, pour cela ficelles, pour cela ficelés.


Salut vieux amis de la bonne année, de la bonne souche, de la bonne cave, du bon vieux temps, de l'image d'Epinal, du poivre de Cayenne, de la potence !
Sont pléistocènes, sont d'avant-garde, sont patibulaires. Nous dépendons de trois empans de ces pendus et la moitié de l'œil.
Qu'on les transpande avec des chants ! qu'on les guirlande ! qu'on les enhymne jusqu'aux Himalayas !
Janco hinco yinco colo
Janco hinco tajmahal
Janco colomayo trogo
Janco calamistero

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Michel Seuphor
LES VIEUX AMIS

UNE LYROMANIE POUR MARCEL JANCO*

Janco hinco yinco colo
Janco hinco tajmahal
Janco colomayo trogo
Janco calamistero (tero)

Les vieux amis sont des crocodiles qui traînent un peu partout dans la maison et qui de temps en temps vous mangent un membre cru. Les jeudis treize à marée haute ils se mettent sur le dos afin que l'on fasse luire comme un miroir leur ventre vertueux.
Les vieux amis sont des maisons très hautes qui cachent une partie du ciel mais font très bien dans le paysage. Les soirs d'automne leur éclairage embaume tout alentour.
Les vieux amis sont des oranges blanches qu'on garde pour la soif et qui ont soif elles-mêmes de sel.
Les vieux amis sont des princes que l'on sort à Pâques et à la Trinité. Alors on les pique à vif pour qu'ils paient de mine et enfantent des onomatopées.
Les vieux amis sont des boutiques pleines de monde.
Les vieux amis sont des topinambours.
Les vieux mais sont des rimes riches au bout de beaux alexandrins tant soit peu caramélisés.
Les vieux amis sont des toboggans.
Les vieux amis ont les yeux tour à tour lisses et pluvieux, ils jettent feux et flammes quand on dit simplement or donc.
Les vieux amis sont des hirondelles.
Les vieux amis sont des lacs.
Des lacs en Forêt-Noire entourés de silence , bourrés d'échos.
Et les torrents bavards n'en savent rien. Ch...
Oh ! la-laa !...

* ami du poète, peintre et architecte de formation, d'origine roumaine, né le 24 mai 1895, à Bucarest. Marcel JANCO est l’un des fondateurs et une des figures de proue du Dadaïsme.
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II/PENSIFS


comme le temps passe

nous sommes le vingt deux octobre
de l'an mil neuf cent soixante-deux
il est dix heures du matin
je touche ma peau nue
et sous la peau je sens
battre le cœur
d'un homme il y a vingt
millions d'années
qui sentait battre le cœur
d'un homme
sous sa main nue
et qui regardait vers la lumière
en ce beau jour d'automne
exactement comme je fais
en fermant les yeux
et qui disais comme moi :
être
qu'est-ce que c'est ?

p.89
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IMMÉMORÉ


Alma Marmalacta chante
et le temps change soudain
la terre se retourne.

Alma Marmalacta chante
tout l'univers écoute
pas une oreille qui ne contemple.

Alma Marmalacta chante
et une étoile explose.
Elle explose lentement
sans bruit et sans dégât
illuminant les choses éparses
d'une inconnue douceur
d'une inconnue tendresse
que nous attendions tous
depuis un temps immémoré
silencieusement
dans ce trou noir.

p.51
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II/PENSIFS


crispé alarmé la larme à l'œil et l'arme à la main
tu défends l'entrée d'un tombeau vide un
tumulus qui te tutoie un tumulus rusé qui
te fait croire que tu es que tu fus que tu seras
que tu vaux trois liards et quoi encore

que tu vailles ou que tu sois rien ne reste tout s'en
va à vau l'eau et ne vaut pas le dérangement

tant pis dis-tu je dérangerai le monde entier pour
venir voir un tombeau vide le vide vu ne
sera plus vide ou sera le vide autrement un
vide vu superposé au vide

que le néant atteste le néant c'est la vie presque
y a-t-il un mot qui exprime mieux la vie que
presque ?

p.50
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II/PENSIFS


l'amitié dis-tu ah ! ah ! l'amitié
éponge pleine de vinaigre brandie au bout d'une
lance cachant la pointe acérée pour celui
qui a soif
afin de l'aider à souffrir à plus longuement souffrir
selon la loi les petits cadeaux entretiennent
la souffrance
tu crois que tu sursautes tu crois que tu bondis
il n'en est rien : tu es cloué nous sommes
tous cloués
regarde la lune et le soleil ils ne bougent jamais
ils sont cloués
les étoiles sont autant de clous qui te clouent
couture des clous clouant une tunique de sang
bon sang ne saurait mentir voilà pourquoi tu
saigne si bien saigne à jamais bon sang
bon sang saigne à jamais
et tout le sang qui coule ne fait qu'un tout petit rond
un point un clou qui te cloue au soleil cloué
rien jamais ne se meut

p.53

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II – PENSIFS
berceuse et fugue


2
rien n'est écrit encore
et rien n'a été fait
tout est sans queue ni tête
et sans milieu

je voudrais voir pourtant
comment la chose peut arriver
la chose vous savez bien
la chose qui doit
qu'il faut
qui sera sûrement
tout est sans queue ni tête
et sans milieu
je voudrais voir pourtant
comment ça doit

je veux
m'entends-tu molle étendue enfante !
JE LE VEUX

3
il faut une fin à tout cela
il faut une fin
que tout aille au diable
il faut une fin

4
vous voilà immobiles comme toujours
lorgnant du côté de la terre promise
vieilles nippes !
vous voilà immobiles comme toujours
à bâiller aux corneilles

p.46
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ORPHÉE


4.

Chaque jour
tu mettras en question
tes connaissances toutes
tes gros savoirs d'érudition
et ils feront faillite.
Car il importe
que l'esprit soit vif
très jeune surpris
émerveillé naïf
immensément curieux.
Car il importe que la vie
commence à neuf chaque matin
et n'accumule pas.
Un esprit neuf
avec un appétit d'enfant
est créateur tout naturellement.

Lui qui ne sais rien encore
il sait que faire est divin.
Lui qui ne sait rien encore
il sait que le dogme est menteur
qu'il fige le don reçu
et l'art devient un simulacre.
Lui qui ne sait rien encore
il sait que le risque
est le paiement de la chance
et que l'échec
est le meilleur ferment.

p.39-40
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L'ESPRIT EST EN CROISIERE 17 ESCALES
ESCALE 1


Mortel
dès ton entrée dans le monde
tes jours te sont inoculés
aussi noirs que blancs
tant colorés qu'incolores
mais ton affaire est ailleurs.

Vivre c'est marcher dans l'éternité.

La quotidienneté n'est que chute
et désenchantement.
Les chiffres sont là
te dira-t-on
pour mettre de l'ordre dans le chaos
et le chaos est pire qu'avant.

Mets-toi sur la touche
et abolis le temps.

p.117
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III. Lyromanies

De l'interrogation


1
Nous courons après quelque chose, nous
courons, nous courons tous après quelque chose,
nous franchissons mille obstacles, nous donnons
des ruades à gauche et à droite pour garder le
champ libre, parce que nous courons après quelque
chose.
Après quoi ? Une sorte de mirage. Et si le
mirage meurt nous nous en fabriquons fiévreu-
sement un autre avec n'importe quoi, afin d'avoir
une raison de courir, de donner des ruades. En
vérité, c'est après l'horizon que nous courons, et
nous avons beau savoir qu'il court plus vite que
nous, il faut que nous courions, que nous donnions
des ruades.
Parfois un obstacle majeur nous oblige à
l'arrêt. Alors l'horizon s'arrête aussi et nous
pouvons le voir enfin comme il est, sans le fard
du mirage, nu, horizontal, béat, nullement faux-
fuyant, tendu, étendu, pacifique.
On est moins regardant que regardé. Sous le
sourcil paisible un regard pointu se braque qui
perce tous les secrets de ce qui bouge, tous les
secrets de ce qui ne bouge pas.
Guette-le toi aussi. Evidemment, tu ne verras
rien venir.
Mais ce rien-là est la présence de tout. Et
c'est ainsi que l'horizon règne….

p.117
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D'APRÈS RILKE


Tu lances la balle
elle te revient
et tu la rends —
ainsi de suite
tu fais des balles
chaque jour
banalement.

C'est autre chose
si tu captes la balle
au bond
la balle que tu n'as pas jetée
qu'une partenaire d'éternité
lança en ton milieu
selon la puissance et la courbe
très exacte du bâtisseur de ponts —
alors seulement il se passe
quelque chose
non pas de toi :
d'un monde.

Et si
pour renvoyer la balle
tu avais la force
et le courage —
non
mieux :
si
oubliant force et courage
tu l'avais déjà renvoyée…
(comme l'année jette
les oiseaux migrateurs
par-dessus les océans
pour retrouver un nid
et une chaleur plus jeune)
alors seulement
dans ce risque couru
tu es le compagnon de jeu
le vrai.

La projection de la balle
ne te sera ni plus légère
ni plus lourde :
ce qui part de ta main
est un météore
qui file dans ses espaces…

p.58-59
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II/PENSIFS

le passe-partout


2
jaillis doucement
source
des choses immobiles
source des choses que l'esprit contemple
source donnée
aux assoiffés

je prends un bain chez toi
et je m'intègre à ton climat
murmure
tendresse
vigueur lente
silence habité

les feux ont fui
la chaleur reste

3
reste chaleur
reste mesure
reste murmure sacré
et donne-moi des jeux
et donne-moi des yeux
pour voir le revers
pour jouer à l'envers du monde
le ciel est plein de trous ce soir
serrures ?
les mots du jour sont fausses clés
fractures
qui n'ouvrent rien

laisse le silence passer partout

p.59
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II/PENSIFS


le sorcier n'est pas sorcier
le malin n'est pas si malin que ça
le fort n'est fort que parce qu'il est farci
seul le simple est ici de quelque utilité
seul le simple essaie de jeter un pont
entre toi et lui

il sait qu'un pont existe déjà entre toi et lui
mais il n'est pas praticable à cause du sorcier et
du malin et du grand homme si fort
ils occupent le pont de leurs corps beaux
de leurs copeaux
de leur corps de peau
et c'est pour ça que maintenant ce qui devait unir
sépare
et plus personne ne passe sur le pont

alors le simple seul
tout seul
essaie de jeter un pont nouveau un pont vrai
un pont à un poil près

entre toi et lui il y aura l'épaisseur d'un poil

p.54
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II/PENSIFS

berceuse et fugue


1.
un jour est noir un jour est blanc
allons-nous en
un jour est noir un jour est blanc
laissons tout là
un jour est noir un jour est blanc
c'est sans remède
un jour est noir un jour est blanc
et mal conçu

ah ! que la vie

pourtant demain tu seras là soleil
peut-être
demain tu seras là chaleur

ah ! que la vie

pourtant demain nous allons faire
quand même
quelque chose

demain nous allons tout faire et tout
refaire
mieux

JE NE VEUX PAS ATTENDRE
JE NE VEUX PAS ATTENDRE
JE NE VEUX PAS ATTENDRE

p.45

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