D'APRÈS RILKE
Tu lances la balle
elle te revient
et tu la rends —
ainsi de suite
tu fais des balles
chaque jour
banalement.
C'est autre chose
si tu captes la balle
au bond
la balle que tu n'as pas jetée
qu'une partenaire d'éternité
lança en ton milieu
selon la puissance et la courbe
très exacte du bâtisseur de ponts —
alors seulement il se passe
quelque chose
non pas de toi :
d'un monde.
Et si
pour renvoyer la balle
tu avais la force
et le courage —
non
mieux :
si
oubliant force et courage
tu l'avais déjà renvoyée…
(comme l'année jette
les oiseaux migrateurs
par-dessus les océans
pour retrouver un nid
et une chaleur plus jeune)
alors seulement
dans ce risque couru
tu es le compagnon de jeu
le vrai.
La projection de la balle
ne te sera ni plus légère
ni plus lourde :
ce qui part de ta main
est un météore
qui file dans ses espaces…
p.58-59
EXPLICATION DE TEXTE
Tu creuses un peu
tu trouves la nappe phréatique
qui aussitôt ruisselle
dans ta main.
Tu la mélangeras
selon le temps qu'il fait
avec trois mesures
de ce qui grouille
à même le sol.
C'est ta matière première
mi-jeu
mi-figue.
Il n'est pas bon de coller
à la surface
car nous ne sommes que trop déjà
dans cette commune platitude.
Ne pas creuser trop loin
non plus
pour éviter les grottes
de l'occultisme
dont on ne sort jamais.
Demeurons entre nous
avec l'esprit qui nous signale
mi-jeu
mi-figue.
Le jeu est essentiel
pour sa gratuité
son insolence.
À part égale
la figue s'y accorde
pour sa saveur
et pour unir le poids du temps
à l'incommensurable.
Le jeu alors
devient la règle même
la figue atteste
que nous sommes ici.
Mi-jeu
mi-figue.
mi-ciel
mi-terre
mi-cercle
mi-carré.
p.63-64
L'ESPRIT EST EN CROISIERE 17 ESCALES
ESCALE 1
Mortel
dès ton entrée dans le monde
tes jours te sont inoculés
aussi noirs que blancs
tant colorés qu'incolores
mais ton affaire est ailleurs.
Vivre c'est marcher dans l'éternité.
La quotidienneté n'est que chute
et désenchantement.
Les chiffres sont là
te dira-t-on
pour mettre de l'ordre dans le chaos
et le chaos est pire qu'avant.
Mets-toi sur la touche
et abolis le temps.
p.117
Mondrian
Michel SEUPHOR, critique d'
art et
peintre abstrait, raconte le parcours du
peintrePiet MONDRIAN vers l'abstraction. Nombreuses
photos d'archives