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Citation de PATissot


Mélusine a crié trois fois.

Moi seule l'ai entendue. Dans la chambre où le jour s'éteint, je ne suis déjà plus de ce monde. Entourée des ténèbres de la mort, j'ai ordonné par testament que ma sépulture soit en l'église des frères mineurs conventuels, dans la chapelle de Notre-Dame-de-Bethléem, que j'y sois ensevelie sous l'habit des soeurs de saint François d'Assise, lui qui loua notre soeur la mort corporelle, que l'on dise moult messes pour le repos de mon âme. Que des torches de cire blanche éclairent par centaines le saint des saints. J'ai légué des offrandes aux couvents des clarisses pour qui j'ai toujours eu une tendresse spéciale.
Louis est assis auprès de moi, sa main étreint la mienne, il ne peut retenir ses larmes. Et pourtant, je meurs de la bonne mort, lavée de mes fautes, j'ai reçu la sainte hostie, et me tiens prête à comparaître devant mon seigneur Dieu.
Un murmure de sanglots et de prières monte vers moi. Les frères récitent les prières des agonisants. Ma chère Louise et ma bonne nourrice Eustace, je ne les aperçois plus que dans un brouillard. Merci de m'avoir accompagnée de mon enfance à mon dernier soupir.
Vierge Marie, ma mère, sainte Anne ma patronne, épargnez-moi les souffrances de l'agonie. Emportez-moi vite auprès de vous dans l'attente du jugement dernier et de la résurrection des morts. L'au-delà m'attend, aussi terrifiant pour une princesse que pour une pauvre femme ignorante.
Adieu, je m'en vais, laissant les méchantes querelles apaisées. Et que m'importe que mon corps retourne à la poussière originelle. Mais pourquoi la mort est-elle aussi cruelle que la vie ?
Les prières se font plus hautes, j'entends les litanies, mais elles ne m'apaisent pas. Je n'ai pas démérité. J'ai rempli mes devoirs de servante de l'Éternel, de mère, d'épouse, de princesse. Mon coeur a toujours été un coeur d'amour épris. Je m'en vais rejoindre mes petits morts en jeunesse et vous laisse : Amédée et Yolant, ils règneront sur la Savoie ; Louis et Charlotte, toujours en butte à la haine de leurs ennemis, mais ils sont courageux, ils vaincront ; Marguerite, qui est auprès de son époux à Montferrat ; Charlotte, ma fille, reine de France ; Jean-Louis, bien peu fait pour être homme d'église, l'évêque de Genève ; Philippe. . . Ah ! Philippe. . . Bonne, Anne, Marie, François, Agnès, tous à Amboise ; Janus, l'insouciant. . .
Un grand vent égaré souffle autour du lac, et les frissons me parcourent. Je tente de prononcer quelques mots, mais Louis m'entend-il ?
" Adieu. . . Je vous ai aimé, Louis, je n'ai jamais eu d'autre volonté que la vôtre. Hélas, tous autour de toi m'ont rejetée, nommée l'étrangère, la Chypriote, moi, Anne de Lusignan, Anne de Chypre, moi qui ai abandonné une mer profonde, mon île. . . Chypre. . . ".
Ce 11 novembre 1462, trépassa Madame Anne de Lusignan, princesse de Chypre, Arménie et Jérusalem, fille de fée, qui fut duchesse en Savoie
Les cloches de la paix sonnaient encore, lorsque se mêla à leur son triomphal le tintement doux et sourd du glas funèbre.

" Certes la duchesse valait bien que l'on fit d'elle grande estime, car elle était fille de roi, une très grande et puissante duchesse, et l'une des plus belles Dames de tout le monde ".
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