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Citation de Danieljean


En tout ils étaient quarante, hommes, femmes et enfants. C’était Seara, le contremaître de la quinta de La Cavadinha, qui les avait engagés un à un, maison après maison, en annonciateur d’une bonne nouvelle plutôt que loueur de bêtes de somme. Ceux qui avaient de bonnes jambes avaient accepté aussitôt car, après le battage, Penaguiao n’était plus qu’une aire de paille triturée, déjà exposée aux premiers vents froids, sans gagne-pain, désolée, en attente de l’hivernage. Et l’on aspirait au baume de quinze jours de travail, ailleurs. Seule Julia Chona ne s’était pas laissé séduire par le mirage, avait dit haut et fort qu’elle préférait mourir de faim à Penaguiao, sans plier l’échine, plutôt que se gaver de moscatel, les reins cassés, dans le Douro. Fléau de la balance du village, la Chona y incarnait le scepticisme de la sueur à louer. Quand elle se refusait à faire une journée, c’est que le salaire était minable ou les conditions mauvaises. Dans les travaux des champs, cette fermeté d’âme donnait des résultats, car souvent l’un ou l’autre suivait son exemple et restait assis au soleil, en attendant que l’imminence d’un orage ou l’urgence d’un arrosage touchent le cœur endurci des patrons. Mais, une fois le seigle moissonné, sur les hauts plateaux de granit il n’y a rien ou presque à faire durant longtemps, et " vendange " sonne comme un mot de passe pour un peu d’argent et de liberté. D’ailleurs, le grand rêve du village, tout au long de l’année, est de faire partie d’une équipe. Descendre aux rives du Douro, à la Ribeira, est une aventure pour la Montagne depuis qu’au monde il y a des vignes. On part à la fête païenne de la cueillette des grappes avec la sève d’une jeunesse en fleur ou la sécheresse du vieil âge reverdissant. La montagne ne donne pas ce vin mûri, fruité, couleur de topaze, qui enivre les sens et met au regard la clarté d’autres cieux. La douce blancheur du lait de brebis emplit les âmes d’une tiède candeur et les corps d’une force virginale et soumise. Mais en septembre, on dirait que s’épanouit en chacun l’irrépressible envie de dépasser l’horizon fade et routinier.
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