Mon premier aigle, c’était un royal. J’avais sept ans ; nous étions en vacances d’été, en famille, dans les Highlands d’Ecosse. Mon père l’avait aperçu très haut au-dessus d’une crête qui dominait l’endroit où nous pique-niquions. Une buse variable, bien que deux fois plus petite que lui, était venue le harceler ; elle en donnait l’échelle. Sans prêter attention à l’importune, l’aigle poursuivait son longue trajectoire planée, comme guidé par une ligne invisible vers l’horizon, laissant la buse décrire ses cercles sans but au-dessus de nos têtes.
Je venais d’être saisi. Pour l’ornithologue en herbe que j’étais, une buse variable, c’était déjà assez excitant. Mais un aigle royal… ! C’était comme voir un tigre de Sibérie ou même un T-rex ! Certes, cette première vision n’était guère plus qu’une lointaine silhouette. Mais d’une certaine manière, cela ajoutait à la mystique. Depuis, j’ai eu la chance d’observer de nombreux aigles dans bien des endroits du monde, mais à chaque fois, mon cœur s’emballe de la même manière. C’est cette sensation de se retrouver en présence d’un superprédateur : un animal dont le pouvoir de vie ou de mort se lit dans son regard imperturbable, et capable, sitôt disparu, de sortir de notre champ de perception d’un simple battement d’aile.