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Citation de Acerola13


Tous les crimes passés de l’Empire russe ont été perpétrés à l’abri d’une pénombre discrète. La déportation de centaine de milliers de Lituaniens, l’assassinat de centaine de milliers de Polonais, la liquidation des Tatars de Crimée, tout cela est resté dans la mémoire sans preuves photographiques, donc comme une chose indémontrable que l’on fera tôt ou tard passer pour une mystification. Au contraire, l’invasion de la Tchécoslovaquie, en 1968, a été photographiée, filmée et déposée dans les archives du monde entier.
Les photographes et les cameramen tchèques comprirent l’occasion qui leur était donnée de faire la seule chose qu’on pouvait encore faire : préserver pour l’avenir lointain l’image du viol. Tereza passa ces sept journées là dans les rues à photographier des soldats et officiers russes dans toutes sortes de situations compromettantes. Les Russes étaient pris au dépourvu. Ils avaient reçu des instructions précises sur l’attitude à adopter au cas où on leur tirerait dessus ou si on leur lançait des pierres, mais personne ne leur avait indiqué comment réagir devant l’objectif d’un appareil photographique.
Elle prit des photos sur des centaines de pellicules. Elle en distribua à peu près la moitié à des journalistes étrangers sous forme de rouleaux à développer (la frontière était toujours ouverte, les journalistes arrivaient de l’étranger, au moins pour un aller-retour, et ils acceptaient avec reconnaissance le moindre document). Beaucoup de ses photos parurent à l’étranger dans les journaux les plus divers : on y voyait des tanks, des poings menaçants, des immeubles endommagés, des morts recouverts d’un drapeau tricolore ensanglanté, des jeunes gens à moto qui tournaient à toute vitesse autour des chars en agitant des perches, et de très jeunes filles vêtues de minijupes incroyablement courtes, qui provoquaient les malheureux soldats russes sexuellement affamés en embrassant sous leurs yeux des passants inconnus. L’invasion russe, répétons-le, n’a pas été seulement une tragédie ; ce fut aussi une fête de la haine dont personne ne comprendra jamais l’étrange euphorie.
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