L'histoire de mes malheurs a commencé à s'écrire le jour où j'ai reçu mon nom — donc au moment même de ma naissance. Ou peut-être même neuf mois plus tôt ? Peut-être était-elle prédéterminée dès la naissance de mon père, un homme au vilain nom dont j'ai hérité.
Mes parents ne me désiraient pas. J'ai été la cause de leur mariage, je leur ai fait cimenter leur relation et remplacer un bourbier par du roc. Les cruautés vers lesquelles je me suis trouvé insidieusement attiré à l'âge adulte ne sont que la conséquence logique de leurs conflits. Je ne connais rien de plus lamentable qu'un mariage contracté au vingtième siècle et je me considère comme bienheureux, car j'ai atteint la fin de cette époque immonde sans me marier. C'est sans nul doute parce que j'ai su me retourner à temps vers le passé et ses récits mystérieux. On ne peut pas tous les raconter, ceux qui nous restent sont ceux qui en valent la peine. Ma propre histoire aussi appartient aujourd'hui à un lointain passé et compte parmi les plus singulières.
Je commencerai par un souvenir qui est resté gravé dans ma mémoire jusqu'à ce jour et qui est l'essence de mon enfance, le souvenir d'une excursion dont mon père m'avait gratifié pour mes huit ans. Nous vivions à Mladà Boleslav, une ville située dans la région de mille et une demeures historiques. Mais nous habitions dans un grand ensemble. Année après année, mes parents et moi allions en vacances près du lac Màcha, tout proche, mais ils repoussaient toujours à l'année suivante la montée au château pittoresque près duquel passait notre route.
Jusqu'au jour de mes huit ans...
Mon nom a commencé à me causer des problèmes après mon entrée à l'école. Au début, les enfants n'y réagissaient pas plus qu'à d'autres noms, mais par la suite, une fois que leurs parents l'avaient prononcé pour la première fois, les moqueries se sont mises à pleuvoir. POurtant, les choses n'allaient pas encore trop mal à cette époque. En revanche, à mesure qu'on montait de classe, les écoliers prenaient peu à peu leurs marques et découvraient en eux-mêes la capacité et le plaisir de faire souffrir ; c'est alors que le vrai enfer scolaire a commencé pour moi. Toute relation de confiance était impossible, partout il n'y avait que haine et mépris. (...) L'école interdisait toute amitié, si vous vous écoutiez de ces règles implicites.