Maman dort. D’un sommeil irréversible, du moins, je le souhaite. Les yeux fermés, je creuse chaque nuit le trou dans lequel je l’enfoncerai, consciente et fière de sa disparition. J’y lancerai la dernière pelletée de terre. En plus, j’emprunterai le gros camion des hommes du cimetière. Avec l’énorme pelle mécanique, je la recouvrirai pour qu’on ne la retrouve jamais. J’écrirai moi-même son épitaphe: «Ci-gît la femme que je n’ai jamais aimée.»
Que son coma soit mortel!
J’ai une calculatrice dans la tête. Je compte lentement 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10, 11,12. À douze, c’est toujours fini. Douze minutes interminables. J’attends l’arrivée de ce nombre libérateur, couchée sur le ventre, les yeux rivés sur mon réveil aux chiffres jaunes fluorescents.