Citations de Monique Demagny (50)
À Venise comme à Paris, comme à Versailles, quelques femmes bien nées pouvaient avoir un amant, et s’il n’était que de cœur c’était encore mieux, mais l’amant devait être agréé par la famille et la société. Il était, pour un temps, cet amant un rien contestable mais toléré parce qu’il était proche d’un roi puissant.
Il faudrait peut-être qu’un jour, on enseigne aux pensionnaires de l’Académie de Rome qu’un paysage a sa propre beauté qui n’exige pas l’intrusion humaine.
Chaque jour apportait sa part de découverte, d’étonnement. Abel vivait dans le transitoire, comme en suspension dans le cours de sa vie.
S’il fallait à toute fin définir ce passage privilégié de sa vie, il suffirait peut-être de dire qu’il était jeune, merveilleusement jeune, seulement jeune, et sans doute pour la dernière fois de sa vie.
Point de galanteries risquées auprès des demoiselles de théâtre ou de maisons trop connues pour être honnêtes, on n’y attrapait que de vilaines maladies, point davantage de conquêtes indiscrètes dans les cercles en vue de l’aristocratie romaine.
Les gens trouveraient surtout amer de rester si longtemps mal installés ! Il faut un peu de confort pour apprécier un spectacle.
Ils brodaient avec férocité sur la plus minuscule information, ils transformaient, ils extrapolaient, ils imaginaient, ils créaient leur vérité, et quelquefois ils tombaient juste. Ils connaissaient si bien leur monde.
Les gens n’aiment pas qu’on les ridiculise.
La jalousie suscite ces inimitiés. On m’attaque souvent. Avec autant de sottise que de mauvaise foi !
Quel programme ! Les choses, la vie, ce qu’il faut dire et faire, et ce dont il faut se garder.
L’enfance pourtant, par une insolite divination, sait détecter derrière tous les semblants l’irréparable fêlure d’un monde en porte-à-faux. Fils d’un fou ou fruit du hasard d’amours adultères, mon enfance a boité dans un univers incertain où cœur et raison ne savaient s’accorder.
Il me suffit de fermer les yeux pour retrouver le monde béni de mon enfance bavaroise. Le temps alors était pour moi immobile, chaque jour aussi radieux que la veille, chaque soir préfigurant à mes yeux un plus beau lendemain. C’était un temps sans début ni fin qui s’enroulait sur lui-même comme un chapelet de bonheurs.
On ne s’habitue jamais à l’horreur mais on s’accoutume à l’attendre.
La beauté n’est pas forcément un atout.
Roi il était, premier en son royaume, et premier au combat il serait, droit exposé à la première ligne, sachant pourtant bien au fond de lui-même combien de ses parents déjà avaient souhaité sa mort pour faire plus aisément « nouvel roi » au royaume de France.
Paris si vivant, si remuant, tellement indocile et fier, était devenu une ville muette.
Leurs hommes sont partout. Ils écoutent, ils espionnent, ils traquent les murmurants et les dénoncent.
On meurt aujourd’hui pour un mot malheureux.
L’idée ne venait à personne que les gens souvent travaillent pour vivre mieux et que le souci du bien de leur progéniture est légitime. Cette pensée même était séditieuse. La morale voulait qu’au service du roi on reste gueux et pauvre comme un rat.
On ne ferait pas « nouvel roi », mais « nouvelle loi » !