Fantaisie:
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secret.
Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C'est sous Louis treize... - et je crois voir s'étendre
Un coteau vert que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs.
Puis une dame à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs en ses habits anciens...
Que, dans une autre existence peut-être,
J'ai déjà vu - et dont je me souviens !
Gérard de NERVAL (1808-1855)