Plus tard, Dorrit, dans ta vie française, tu écriras un article recommandant que l'on érige un monument à l'Avortée inconnue, martyre de la société au même titre que le Soldat inconnu. Au moins cinq milles morts par an en France, écriras-tu, chaque année du XXe siècle jusqu'à la loi Veil en 1975. Ce n'est jamais le bon moment de parler de ces mortes-là, écriras-tu. Avant la loi Veil c'était trop tôt, parce que leur geste était interdit, tabou, illégal, honteux, scandaleux. Et après c'était trop tard, parce que leur geste était devenu légal, banal, normal, une petite opération de rien du tout. (p. 29)