Longtemps, les carnets de mon père se sont tus. Si plusieurs étaient depuis venus s'ajouter au tout premier qui disait ses espoirs, le silence qui a suivi ma naissance parlait de lui-même ; le bonheur se raconte si mal. Puis quelques semaines plus tard, après cette épisode qui aurait dû constituer la fin de mon existence - mais j'étais robuste, ou ma mère très aimante -, l'écriture a repris. Intense. Brouillonne. Colérique. Les pages se sont noircies à nouveau. Sans ratures, comme un cri de rage prolongé. L'encre de Chine a remplacé la mine de plomb. Apparaissaient d'inquiétantes aquarelles de femme oiseau d'une laideur appuyée, au bec tordu, aux yeux effrayants, qu'il légendait de quatre lettres : Rose.
Rose, oiseau de malheur.