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Citation de Charybde2


À peu près tout ce que nous comprenons du réchauffement climatique à l’heure actuelle était déjà compris en 1979. Et peut-être mieux compris. Aujourd’hui, près de neuf Américains sur dix ignorent que les scientifiques s’accordent à reconnaître, bien au-delà du seuil du consensus, que les êtres humains ont modifié le climat de notre planète à force de brûler des combustibles fossiles à tort et à travers. Pourtant, dès 1979, les principaux aspects du problème étaient déjà tranchés sans débat possible, et l’attention des spécialistes ne s’attachait même plus aux principes élémentaires de ce phénomène, mais à un affinage de ses conséquences prévisibles. Contrairement à la théorie des cordes ou au génie génétique, l’effet de serre – métaphore inventée au début du XXe siècle – était déjà de l’histoire ancienne, et on le décrivait dans tous les manuels d’introduction à la biologie. Ce phénomène n’avait rien de bien compliqué d’un point de vue scientifique. Il pouvait se résumer à cet axiome : plus il y a de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, plus la planète est chaude. Or, année après année, en brûlant du charbon, du pétrole et du gaz, les êtres humains déversaient des quantités de plus en plus obscènes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Le monde a connu un réchauffement de plus d’1 °C depuis la révolution industrielle.. L’accord de Paris sur le climat – ce traité juridiquement non contraignant, inapplicable et d’ores et déjà enterré, signé en 2016, le jour de la Terre – espérait limiter le réchauffement à 2 °C. Une étude récente estime que nous avons une chance sur vingt d’y parvenir. Si par miracle nous atteignons cet objectif, nous n’aurons à gérer que la disparition des récifs coralliens, une élévation de plusieurs mètres du niveau des mers et le dépeuplement forcé des pays du golfe Persique. Le climatologue James Hansen présente ce réchauffement de 2 °C comme la « certitude d’un désastre à long terme ». Lequel fait désormais figure de scénario le plus optimiste. Car un réchauffement de 3 °C constituerait la certitude d’un désastre à court terme : les glaces de l’Arctique cédant la place à des forêts, l’évacuation de la plupart des grandes villes côtières, une famine à grande échelle. Robert Watson, ancien président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) mis en place par l’ONU, affirme pour sa part que ces 3 °C de réchauffement sont le minimum réaliste à envisager. 4 °C : l’Europe connaît une sécheresse permanente ; d’immenses régions de Chine, d’Inde et du Bangladesh se transforment en désert ; la Polynésie est engloutie par l’océan ; le fleuve Colorado se réduit à un filet d’eau. La perspective d’un réchauffement de 5 °C pousse certains des plus éminents climatologues, pourtant peu enclins à l’affolement, à agiter le spectre d’une possible disparition de la civilisation humaine. La cause immédiate n’en sera pas le réchauffement proprement dit – non, nous ne prendrons pas subitement feu pour tous nous retrouver réduits en cendres – mais ses effets secondaires. La Croix-Rouge estime que les situations de crise liées à l’environnement provoquent d’ores et déjà des flux de réfugiés plus abondants que les conflits armés. Famine, sécheresse, inondation des zones côtières et étreinte funeste des déserts en expansion vont forcer des centaines de millions de personnes à s’enfuir pour se sauver. Ces migrations de grande ampleur viendront chambouler des équilibres régionaux déjà précaires, déclenchant des conflits autour des ressources naturelles, des actes terroristes, des déclarations de guerre. Passé un certain point, les deux plus grandes menaces existentielles qui pèsent sur notre civilisation, le réchauffement climatique et les armes nucléaires, briseront leurs chaînes et s’uniront pour se rebeller contre leurs créateurs. (…)
Impossible de comprendre nos difficultés présentes et futures sans saisir d’abord les raisons pour lesquelles nous n’avons pas résolu ce problème quand nous en avions l’occasion. Car au cours des dix années qui se sont écoulées entre 1979 et 1989, cette opportunité s’est bel et bien offerte à nous. À un certain moment, les principales puissances mondiales n’étaient qu’à quelques signatures d’instaurer un cadre juridiquement contraignant pour imposer une réduction des émissions carbone – elles en étaient bien plus proches, alors, qu’elles l’ont jamais été depuis. À cette époque, les obstacles sur lesquels nous rejetons aujourd’hui la responsabilité de notre inaction n’étaient pas encore apparus. Les conditions d’un succès étaient si parfaitement réunies qu’on dirait presque un conte de fées, surtout à l’heure où tant de vétérans de la petite armée climatique – les chercheurs, les négociateurs politiques et les militants qui luttent depuis des décennies contre l’ignorance, l’apathie et les pratiques de corruption des multinationales – avouent leur peu d’espoir de pouvoir obtenir ne serait-ce qu’une atténuation du phénomène. Pour citer Ken Caldeira, éminent climatologue rattaché au Carnegie Institute de l’université Stanford, en Californie : « Nous sommes en train de basculer progressivement d’un mode où nous cherchions à prévoir ce qui va se passer à celui où noous tentons d’expliquer ce qui s’est déjà passé. »
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