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Citation de Charybde2


Selena se lia d’amitié avec Stephen Dent l’été d’avant l’été où Julie disparut. Stephen Dent habitait sur Sandy Lane, à quatre ou cinq maisons de là où habitaient Selena, Julie et leurs parents. Il enseignait les mathématiques dans un lycée catholique, Carmel College, mais Selena ne le sut que plus tard. La première fois qu’elle vit Stephen, il descendait d’un bus. Elle le remarqua à cause de ce qu’il portait : un seau en plastique transparent avec un gros poisson orange qui nageait dedans. Selena regarda l’homme entrer dans sa maison, puis elle entra chez elle. Deux jours plus tard, elle le revit ; il achetait un paquet de nouilles chinoises précuites dans la supérette Spar en bas de Pepper Street. Selena s’y trouvait avec sa sœur Julie. Julie achetait un rouge à lèvres brillant et Selena un magazine de mode pour adolescentes, mais elles cherchaient surtout un prétexte pour sortir de la maison. L’été de Stephen Dent fut aussi l’été où les parents de Selena faillirent se séparer. Julie et Selena n’étaient pas censées le savoir, mais ce n’était pas difficile à deviner, pas tellement à cause des éclats de voix, mais surtout à cause des silences qui retombaient quand les scènes de ménage étaient terminées. Les deux sœurs supposaient que c’était leur père qui avait une liaison. Tout au long de l’hiver et du printemps, elles avaient eu de longues discussions sur l’identité de la personne avec qui il découchait, sans parvenir à la moindre conclusion définitive, et ce n’est que bien des mois plus tard qu’elles découvrirent que ce n’était pas Raymond Rouane qui était sorti du droit chemin, mais Margery.
Pour Selena, la chose la plus mémorable de cette période fut qu’elle et Julie furent à nouveau proches, presque aussi proches qu’elles l’avaient été quand elles étaient plus jeunes – elles gloussaient et chuchotaient dans les coins et trouvaient tous les prétextes imaginables pour être seules l’une avec l’autre. Selena était ravie de cette évolution, presque au point de remercier secrètement la catastrophe qui l’avait suscitée. Elle avait ressenti l’éloignement de Julie non seulement comme une perte, mais aussi comme une punition. Le retour d’affection de sa sœur était comme un miracle.
Encore que cela ne dura pas. Mais pendant la première moitié de ce dernier été elles restèrent collées comme deux sangsues, unies comme larrons en foire, comme deux conspiratrices. Les souvenirs coulaient encore à flots dans l’esprit de Selena : les odeurs du macadam cuit et des pelouses craquelées, le calme particulier de ces soirées, les lambeaux mauves de crépuscule qui se rassemblaient à l’embouchure des ruelles et au seuil des magasins lorsque la nuit commençait à tomber, les relents charbonneux des barbecues des voisins. Ni leur père, ni leur mère ne semblaient se préoccuper de l’heure à laquelle elles rentraient la nuit, ni même s’apercevoir qu’elles étaient sorties avant qu’elles soient revenues.
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