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Citation de rkhettaoui


Je rencontre Nathalie R. au Kat, je vais partir, elle me suit, me donne son numéro de téléphone, me fait promettre de l’appeler, je promets, je prends le ticket de vestiaire sur lequel est écrit son numéro, elle ne me croit pas, elle est sûre que je ne l’appellerai pas, au moins elle aura essayé, le dit, n’a pas honte de le dire, cela me touche, je ne sais pas pourquoi, d’habitude c’est moi la faible, je déteste d’ailleurs, ce n’est pas ça la vie, la vraie vie des sentiments, d’égal à égal, sans rapports de forces et de pouvoir ; je m’en vais, je l’appelle, quelques heures plus tard nous avons rendez-vous aux Deux Magots, j’ai peur de ne pas la reconnaître, qu’elle ne me reconnaisse pas, nous nous reconnaissons, c’est une bulle dans le café, c’est une bulle dans la ville, c’est une bulle au-delà, ça existe et ça n’existe pas, elle porte une veste en cuir et une jupe, j’aime ses mains et son alliance, je baisse les yeux à chaque fois qu’elle me parle, je ne suis pas timide, je n’ai pas honte, je suis troublée, je ne sais pas qui elle est, je n’ai pas besoin de savoir, parce que je sais qui je suis, c’est moi que j’aime près d’elle, je veux la suivre, je n’ai plus peur, c’est aussi ça qui me trouble, j’ai changé, je veux tout connaître, tout comprendre, tout essayer, je n’ai rien à perdre, mais je ne veux pas me perdre, je veux tout gagner, tout prendre ; elle habite impasse Passy, je peux passer la nuit avec elle si je le désire, parce qu’elle, elle le désire vraiment, je me dis que je n’ai pas le choix, je dois la suivre, lui faire confiance, je dois vivre ce qu’il y a à vivre, des minutes ou des heures, des instants ou un avenir, peu importe, seul le plaisir compte, ce ne sera peut-être pas pour une nuit, il y aura peut-être des jours aussi, plus beaux, plus doux, il faut essayer, même s’il se peut que l’on se trompe, qu’elle se trompe, que je me trompe, si on n’y va pas, on ne saura pas, si l’on ne se jette pas à l’eau, on ne sait pas que l’on sait nager ; elle règle l’addition, elle m’emmène, je dois me laisser faire, l’écouter, sa main à mon cou, le cuir sous la mienne, dans la vie il ne faut pas trop réfléchir, sinon on manque sa chance et on déçoit son espoir, elle m’a repérée depuis longtemps, ne devrait pas le dire, mais puisqu’elle dit tout, elle est ainsi, elle a toujours foncé, tant pis pour les accidents, les erreurs, les faux pas, elle s’est étonnée de voir une fille si jeune dans ce genre d’endroit, cela lui a plu, lui plaît, je suis courageuse ou très sûre de moi, elle ne veut pas le savoir, mais c’était plutôt touchant de me regarder au bar, assise, seule, à attendre que quelque chose arrive, qu’une main se tende, elle n’a jamais trouvé ça triste, bien au contraire, la tristesse c’est de ne pas oser ; elle conduit une Fiat 500 bleu marine, la main posée sur ma cuisse, Paris est une terre étrangère et ma campagne, je vois des fleurs et des dunes, je vois l’océan et les falaises, je vois la pierre et l’eau qui ruisselle place de la Concorde, je sens l’odeur du parfum, la vitesse dans les virages, le vent qui n’est ni gifle ni caresse quand je baisse la vitre de sa voiture, je suis l’air et le métal, l’asphalte et l’oxygène, je suis l’esclave libre de mon désir ; dans sa chambre le jour se lève déjà, les nuages forment des ombres sur les murs, j’occupe le centre du monde, je suis le roi, je suis la reine, je suis mariée à moi, mon corps contre son corps, ma peau contre sa peau, son souffle et ses silences, son odeur se mélange à mon odeur, je suis avec elle et elle est avec moi, elle est en moi et je suis en elle, rien ne nous sépare et tout s’éloigne, le bruit de la ville qui bouge, l’aube et ses mauves, le vent sous le toit, le poids de l’inconnu, je suis toujours la même et pourtant différente parce que je m’abandonne à l’emprise du rêve éveillé, je désire maintenant et je suis désirée, je suis sans passé, sans avenir et sans témoin, je pourrais disparaître entre ses mains et pourtant je renais.
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