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Citation de MegGomar


Noam Chomsky: Au cours des 10 dernières années, Israël a connu un
important virage à droite vers le nationalisme et l’extrémisme, tant sur le
plan politique que sur celui de l’humeur générale. Il règne en Israël une
sorte de mentalité d’assiégés, comme en Afrique du Sud vers la fin de
l’apartheid. «Tout le monde nous déteste, car tout le monde est antisémite,
alors nous ferons bien ce qui nous chante.» Les Israéliens considèrent que
rien n’est de leur faute, que tout est la faute des autres, et ils l’expriment
avec une violence parfois inimaginable. Je pense par exemple à ces scènes
constatées pendant l’opération Plomb durci contre Gaza, où des Israéliens
installés dans des transats au sommet des collines applaudissaient chaque
fois qu’une bombe tombait. Un tel comportement dépasse les limites de
l’obscénité. Malheureusement, il est représentatif de l’état d’esprit d’une
bonne partie de la population. Des courants contraires existent, mais, pour
ce que j’en connais, ils sont plutôt marginaux. Les manifestants du
boulevard Rothschild, qui avaient bâti un campement à la Occupy, avaient
des revendications assez minces: «Je veux améliorer mon sort. Je veux un
meilleur logement.» En fait, les organisateurs avaient décidé de passer sous
silence la question palestinienne. «Que puis-je obtenir pour rendre ma vie
meilleure?» Il faut tout de même admettre que la société israélienne est
passée d’un genre de social-démocratie de type plus ou moins scandinave à
une forme extrême de néolibéralisme, une caricature digne des États-Unis,
avec de fortes inégalités de richesse et de privilèges. Par ailleurs,
l’ambiance séculière qui règne à Tel-Aviv montre qu’on déploie beaucoup
d’énergie pour rendre Israël attrayant aux yeux de la jeunesse occidentale.
À Tel-Aviv, il y a des bars gais et d’autres trucs du genre; la ville est sans
doute la capitale gaie de la Méditerranée.
Cette société devient de plus en plus laide; elle s’est engagée sur une
pente qu’on pourrait qualifier de suicidaire. Les Israéliens s’inquiètent
beaucoup de ce qu’ils appellent la délégitimation – et il est vrai qu’ils sont
en train de se délégitimer. J’ai l’impression que cette tendance est devenue à
peu près inéluctable à partir de 1971, quand le pays a choisi de tourner le
dos à la sécurité en faveur de l’expansion; ce virage a eu nombre de
conséquences plus ou moins inévitables, mais somme toute assez
prévisibles. On constate néanmoins des changements mineurs, dont j’ignore
quelle sera la portée, dans la répression de la population palestinienne.
Prenons l’exemple des lois les plus racistes de l’État d’Israël, celles qui
régissent le territoire. Environ 92% des terres étaient entre les mains du
Fonds national juif (Keren Kayemeth LeIsrael, KKL), une organisation qui,
en vertu des contrats la liant à l’État, était tenue d’agir uniquement pour le
bien «des gens de race, de religion ou d’origine juive» (c’était formulé
ainsi). Grâce à un enchevêtrement de structures administratives et
bureaucratiques, le KKL contrôlait donc dans les faits plus de 90% du
territoire, d’où les Arabes étaient essentiellement exclus. Autour de l’an
2000, une faille est apparue dans cette structure: la Cour suprême l’a
invalidée en principe dans une cause relative à une colonie en particulier.
En vertu du jugement, il n’était désormais plus possible d’interdire les lieux
aux Arabes, si bien que, au bout de cinq ou six ans, le couple palestinien qui
tentait de s’y établir a finalement été autorisé à le faire. Cependant, et vous
êtes sans doute mieux au fait du dossier que moi, Ilan, je ne crois pas que
cette décision ait eu d’impact notable ailleurs, et les parlementaires tentent
actuellement d’en amoindrir la portée. Il s’agit là d’un exemple parmi
d’autres de la rigidité politique israélienne. Certaines situations sont
vraiment choquantes. Dernièrement, Ruchama Marton, cette femme
extraordinaire qui dirige une association de médecins israéliens pour les
droits de la personne, m’a appris une chose que vous savez probablement,
soit que, dans les hôpitaux d’Israël, les Palestiniennes en couches n’ont pas
accès aux maternités réservées aux juives et se voient contraintes d’aller
ailleurs. […] Il en va ainsi partout.
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