AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de MegGomar


Depuis 1994, soit bien avant l’arrivée au pouvoir du Hamas dans la
bande de Gaza, la situation géopolitique particulière de l’enclave fait en
sorte que toute action punitive collective, telle celle de 2014, ne peut être
que tuerie et destruction à grande échelle – bref, un génocide permanent.
Sachant cela, les généraux n’ont jamais éprouvé le moindre scrupule à
bombarder les Gazaouis depuis les airs, la mer ou le sol. La réduction du
nombre de Palestiniens sur l’ensemble du territoire de la Palestine
historique fait toujours partie du projet sioniste. C’est à Gaza que sa mise en
œuvre prend sa forme la plus inhumaine.
Comme ce fut le cas lors des épisodes précédents, le moment choisi
pour la vague génocidaire de 2014 obéit aussi à d’autres considérations.
L’agitation sociale qui a secoué Israël en 2011 couve encore; des citoyens
réclamaient une diminution des dépenses militaires et une réaffectation
d’une partie du budget colossal de la «défense» aux services sociaux.
L’armée a qualifié une telle éventualité de suicidaire. Et rien ne vaut une
opération militaire pour faire taire les voix qui appellent un gouvernement à
réduire ses dépenses militaires.
La campagne de 2014 présente aussi des traits caractéristiques des
phases précédentes de ce génocide progressif. Cette fois encore, le bien-
fondé du massacre de civils dans la bande de Gaza fait consensus chez les
juifs israéliens, et la dissidence est rarissime. À Tel-Aviv, les quelques
personnes qui ont osé manifester leur désaccord se sont fait passer à tabac
par des voyous juifs sous l’œil indifférent de la police.
Comme toujours, le monde universitaire prend part à la manœuvre. Le
Centre interdisciplinaire de Herzliya, une prestigieuse université privée, a
établi un «quartier général civil» où les étudiants sont invités à devenir les
porte-voix d’une campagne de propagande à l’étranger. Plusieurs
universités ont proposé à l’État de mobiliser leurs étudiants en vue de faire
entendre le discours israélien dans le cyberespace et les médias alternatifs.
Les médias israéliens se sont aussi alignés avec loyauté sur le discours
du gouvernement. Ils n’ont publié aucune photo de la catastrophe humaine
provoquée par Israël et ont indiqué à leur public que, cette fois, «le monde
nous comprend et nous appuie». Cette affirmation contient un fond de vérité
dans la mesure où les élites occidentales persistent à assurer l’immunité à
l’État juif. Récemment, des gouvernements occidentaux ont demandé au
procureur de la Cour pénale internationale de La Haye de ne pas se pencher
sur les crimes commis par Israël à Gaza. De nombreux médias occidentaux,
dont la presse française (en particulier France 24) et la BBC, qui s’entêtent
à relayer la propagande israélienne, leur ont emboîté le pas en justifiant
l’essentiel des actions israéliennes. Cela n’a rien de surprenant, dans la
mesure où le lobby pro-israélien travaille sans relâche à plaider la cause
d’Israël en France et dans le reste de l’Europe, comme il le fait aux États-
Unis.
Cette couverture tendancieuse est également nourrie par le fait que les
journalistes occidentaux ont l’impression que la situation qui a cours à Gaza
n’est pas aussi grave que celle de l’Irak et de la Syrie. De telles
comparaisons sont généralement établies sans perspective historique. Un
regard sur la longue histoire des Palestiniens permettrait de mieux comparer
leurs souffrances aux carnages perpétrés ailleurs.
Toutefois, pour bien comprendre le massacre de Gaza, une perspective
historique ne suffit pas. On doit aussi adopter une approche dialectique pour
mettre en évidence les liens entre l’immunité accordée à Israël et les
horreurs qui ont cours ailleurs dans le monde. L’Irak et la Syrie sont le
théâtre d’une déshumanisation terrifiante, à grande échelle. Mais il existe
une différence déterminante entre la violence qui frappe ces pays et celle
qui sévit en Palestine: les crimes commis en Irak et en Syrie sont
condamnés pour leur barbarie, tandis que ceux de l’État juif sont autorisés
et approuvés par le président des États-Unis, les dirigeants de l’Union
européenne et les autres amis d’Israël.
Qu’il s’agisse de brûler vifs de jeunes Palestiniens de Jérusalem, d’en
abattre deux autres par pur plaisir à Beitunia ou de supprimer des familles
entières à Gaza, de tels actes ne peuvent être commis que si la victime a été
préalablement déshumanisée. La seule chance de réussite d’une lutte contre
le sionisme en Palestine repose sur une défense des droits de la personne et
des droits civils qui ne hiérarchise pas les violations et qui établit clairement
qui sont les victimes et leurs bourreaux.
Les Israéliens qui s’acharnent contre le peuple palestinien devraient
être jugés au nom des mêmes critères moraux et éthiques que les gens qui,
dans le monde arabe, commettent des atrocités à l’encontre de minorités ou
de collectivités sans défense. Ce sont tous des criminels de guerre, bien que,
dans le cas des Israéliens, ils soient actifs depuis plus longtemps que
quiconque. L’identité religieuse des bourreaux n’a guère d’importance, tout
comme la religion au nom de laquelle ils prétendent agir. Qu’ils se disent
djihadistes, juifs ou sionistes, on devrait les traiter de la même façon.
S’il cessait d’appliquer un double standard dans ses rapports avec
Israël, le monde pourrait réagir de façon beaucoup plus efficace aux crimes
de guerre commis ailleurs.
La fin du génocide progressif à Gaza et la restitution de leurs droits
fondamentaux, y compris le droit au retour, à tous les Palestiniens sont les
seuls facteurs qui permettront d’ouvrir une nouvelle perspective
d’intervention internationale fructueuse dans un Moyen-Orient considéré
comme un tout.
[Livre publié en 2016. En 2024 le génocide n'est plus progressif.]
Commenter  J’apprécie          00









{* *}