C’était l’hiver encore. Dans mes moments de remords je me plais à penser que tout aurait été différent si ça avait été le printemps. Un jour de mai, par exemple. Mais comment savoir ? Qui sait que l cours les évènements auraient alors suivi ?Le mois de mars avait mal commencé. Des chutes de neige totalement inattendues avaient bloqué les rues de Paris, compromettant le tournage du film dans lequel je devais jouer – enfin – un joli petit rôle. Le producteur, menteur et ruiné, saisit ce prétexte pour l’annuler à la dernière minute. Pas repousser : annuler, tout bonnement. Adieu veaux, vaches, cochons. Les unes derrière les autres commencèrent à défiler de longues journées vides et chères dans des cafés parisiens désagréables, à ratiociner mon amertume. Tristes, identiques et inutiles. Même la neige ne pouvait me consoler. Je n’en voyais pas l’intérêt hormis la regarder : tomber, puis fondre, se transformer en gadoue, disparaître, être oubliée, comme si elle n’avait jamais existé. Un sort médiocre. Pourtant, Dieu sait si j’aimais la neige, mais pas à Paris. C’est la montagne qui lui fallait pour pouvoir s’exprimer.