Ce qu’elle a à dire ne tient pas dans les mots, ils sont bien trop petits, durs et rigides. Elle ne parle pas ou si peu. Seulement avec Santiago. Il est sourd et muet, une maladie infantile l’a privé de ses deux sens. C’est auprès de lui qu’elle aime rester, compagnie silencieuse. Il est le seul qui sache l’écouter, il regarde sa bouche comme pour l’enjoindre à parler et les mots sortent alors sans qu’elle les cherche. Ils deviennent chair vivante, fleurs écloses sur les lèvres, papillons qui volettent autour d’eux, disparaissent puis reviennent, fruits aux saveurs diverses, doux ou amers. (« Soledad »)