Ce qu’elle a à dire ne tient pas dans les mots, ils sont bien trop petits, durs et rigides. Elle ne parle pas ou si peu. Seulement avec Santiago. Il est sourd et muet, une maladie infantile l’a privé de ses deux sens. C’est auprès de lui qu’elle aime rester, compagnie silencieuse. Il est le seul qui sache l’écouter, il regarde sa bouche comme pour l’enjoindre à parler et les mots sortent alors sans qu’elle les cherche. Ils deviennent chair vivante, fleurs écloses sur les lèvres, papillons qui volettent autour d’eux, disparaissent puis reviennent, fruits aux saveurs diverses, doux ou amers. (« Soledad »)
Stephan connaît le paysage par coeur. Il n'est pas né ici, mais les montagnes l'ont adopté. Je pense que c'est à cause de son rire. On est obligé d'aimer quelqu'un qui rit comme ça.
Mais la mer n’avait pas son pareil pour faire d’un homme tout le contraire d’un poète. Elle vous décapait l’âme plus sûrement que ne pouvaient le faire les malheurs répétés d’une existence. Il venait de fêter sa quarante-sixième année et se sentait aussi vieux qu’un homme de quatre-vingts ans. Toute une vie derrière lui, une arborescence de souvenirs qui hantaient son esprit. (« Traversée »)