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Citation de coco4649


Mise au net



Extrait 10 ter

[…]

Pendant que la maison tombait en ruines
Je grandissais. Je fus (je suis) herbe, broussailles,
parmi d’anonymes décombres.
                                               Jours
comme un front dégagé, comme un livre ouvert.
Je ne fus pas multiplié par les miroirs
envieux qui transforment
en choses les hommes, en nombre les choses :
ni commandement ni profit. Non plus la sainteté :
le ciel fut bientôt pour moi un ciel
désert, une splendeur creuse
et adorable. Présence suffisante,
changeante : le temps et ses épiphanies.
Dieu ne me parla pas à travers les nuées ;
entre les feuilles du figuier
le corps me parla, les corps de mon corps.
Incarnations d’un instant :
soir lavé par la pluie
lumière qui vient de sortir de l’eau,
l’haleine femelle des plantes,
peau à ma peau collée : succube !
– comme si à la fin le temps coïncidait
avec lui-même et moi avec lui,
comme si le temps et ses deux temps
étaient un seul temps
qui déjà ne serait plus durée, un temps
où c’est toujours maintenant et à chaque heure toujours,
comme si moi et mon double étaient un
et que moi, déjà, je n’étais plus.
Grenade de l’heure : j’ai bu le soleil, j’ai mangé le temps.
Des doigts de lumière ouvraient les feuillages.
Vrombissement d’abeilles dans mon sang :
l’avènement blanc.
La décharge me projeta
sur la rive la plus solitaire. Je fus un étranger
entre les vastes ruines du soir.
Vierge abstrait : j’ai parlé avec moi,
je fus dédoublé, le temps se brisa.


/Traduit de l’espagnol par Roger Caillois
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