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Mise au net
Extrait 11
Stupéfaite à la cime de l’instant,
la chair se fait verbe – et le verbe se précipite.
Se savoir banni sur terre, étant soi-même terre,
c’est se savoir mortel. Secret archiconnu
et aussi secret vide, sans rien à l’intérieur.
Les morts n’existent pas, seulement la mort, notre mère.
L’Aztèque le savait, le Grec le pressentait :
l’eau est feu et pendant le parcours
nous autres ne sommes que feu de paille.
La mort est la mère des formes...
Le son, bâton d’aveugle du sens :
j’écris la mort et je vis en elle
un instant. J’habite ce son :
cube pneumatique transparent,
il vibre sur cette page,
disparaît dans ses échos.
Paysages de mots :
mes yeux les dépeuplent rien qu’à les lire.
Peu importe : mes oreilles les propagent.
Ils resurgissent là-bas, dans les zones indécises
du langage, villages lacustres.
Ce sont des créatures amphibies, ce sont des mots.
Ils passent d’un élément à un autre,
Ils se baignent dans le feu, reposent dans l’air.
Ils sont de l’autre côté. Je ne les entends pas : que disent-ils ?
Ils ne disent rien : ils parlent, parlent.
…
/Traduit de l’espagnol par Roger Caillois