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Citation de alzaia


Olivier Barbarant
Si je reviens faites de moi par pitié la vapeur d'un bain
La moitié d'une feuille d'arbre la fleur très jaune des courgettes
La cendre dans le vent un instant à se prendre pour une aile d'oiseau
Mieux encore une tasse vide un ourlet déchiré
Un peu de fil en trop dépassant d'une étoffe
En sursis de ciseaux

De la farine au fond d'un moule
Un pétale tombé que les passants piétinent
À l'aube de janvier du givre sur un pare-brise
Les restes tordus d'un mégot
Ou bien le galon de dentelle sur un voilage qu'un peu de vent très doucement secoue

Rien plus qui pèse en tout cas rien qui pense
J'ai si souvent rêvé des formes délivrées de l'eau
De ce qui coule sans compter de la vague enviant l'écume à ses cheveux
Sur le rocher brisé un instant qui s' envole
J'ai si souvent voulu le faire hémorragie
Qu'il y aurait à rejouer le même rôle une amère ironie
J'ai songé bien des jours avoir perdu mon poids de peau et de passé
Au point d'enfin sentir du frisson le vrai cataclysme
D'un sourire l'exact ravage qu'autrement notre échelle nie
Tant la beauté est un cristal et l'homme devant trop passif
Et fut-ce à force ou par hasard j'ai pu sauver une stature de fin d'enfance
Plus près du sol où l'herbe pousse et l'épaule toujours étroite
Passant bien mieux la porte des jardins

J'ai jalousé des flaques d'eau
La poussière en avril à travers les vitres que le soleil pétrit
Toute une vie durant j'ai pris modèle sur la pluie
Battue de vent toujours et qui ne brille qu'effondrée
Plus que tout j'ai craint m'endurcir

Dès qu'un pas s' absentait dans l'appartement vide
J'avais peur de ne plus pleurer
Comme on sait si bien faire à l'âge où le visage n'avait pas décidé de ses traits
Car je sens bien ne rien valoir qu'à l'endroit où je me déchire
Où cela me saigne je suis
*
Je n'ai vécu vraiment qu'au pilori des choses
Un réveil par exemple peuplé d'émous face aux paupières pleines de rêves
La pulpe des songes réfugiée dans les lèvres qui vous frôlent et s' en vont
Et quand la silhouette après tourne l'angle de la rue
Le premier matin de juillet soudain qui vous écorche
Vous explique ce qu'est vraiment la vie

Je n'ai jamais aimé que du temps suspendu
Aux corniches des toits que le soleil allume
Les cris des martinets comme un collier rompu
Tout ce qui ne vaut pas et personne n'en parle
Tant c'est sans prix sans poids sans importance aucune
Que les nuées plus ou moins peignées

Si je reviens faites de moi une page tournée
La lettre qu 'on n'expédie pas
N'allez pas déranger un messie pour qu'on m'ôte mes bandelettes
Qui sait en sortant de sa nuit de quoi Lazare aurait rêvé
Être un brin d'herbe terre sèche ou bien pierre aux margelles des puits

Je ne veux pas de la grandeur ni de la vision retrouvée
Et d'avance je vous préviens je ne tiendrai pas sur mes jambes
Je suis un miracle raté

Faites de moi moins qu'une moustache de chat
Dans la nuit qui frétille un trébuchet pour les flocons

Faites de moi moins au moins que moi-même
Un cil qu'on chasse d'une joue
Ou au bord d'une bouche en M
Que je voudrais en minuscule.
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