AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Olivier Barbarant (39)


SEPTEMBRE

Était-ce un reste de rêve confus?
Ce matin je me suis levé comme écrasé de souvenirs
Des tours d'acier des centres commerciaux
pleins de la mélancolie moderne des banlieues
Créteil Soleil La Belle Épine Les Quatre Temps
et leurs verrières barrées de pluie

La correspondante espagnole haute deux fois comme moi jetant un regard plein de soleil sur le déluge
et mes parents jeunes alors nous emmenant au cinéma

Je suis l'aîné de ce qu'ils furent et dans seize ans j'aurai
passé l'âge auquel tous deux disparurent
cela n'a pas de sens
on m'avait voué à mourir jeune et je finirais plus vieux qu'eux
dix ans depuis dix ans
de cendres à descendre
et c'est la vie sans eux qui m'aura fait vieillir

Les souvenirs sont des morceaux cela tremble et s'entrechoque
Ma mère en robe noire sous notre cerisier
Mon père traversant la salle des thèses raide et intimidé
une bouteille d'Évian à la main pour me verser un verre d'eau
ou bien leurs nuques depuis la banquette arrière de la voiture pour lui châtain pour elle variant selon les saisons
et la douceur de glisser ensemble dans la nuit du périphérique

Comme une Troie défaite dont on a rasé les remparts
Il ne reste de nous qu'une avenue glissant sans fin vers un ciel gris
Et de la main je maintiens maladroitement sur ma face
Un masque d'adulte qui glisse

Depuis dix ans quelles nouvelles
Vos petits-fils ont grandi
De ce que vous portiez l'effondrement s'est poursuivi
L'époque est morose et tragique
Comme insensé ce matin le long sanglot sur la fenêtre :

D'un automne l'autre
Je recouds des pluies.
Commenter  J’apprécie          376
2012

Recette pour fondre en larmes :

À chaque bonheur imminent
Succès ou fête ou premiers pas
Sorties d'école soleils naissants
Ou choses vues ou paysages

Penser aux morts qui n'auront pas
Pu partager le bref spectacle

J'y joue beaucoup cette année-là
Commenter  J’apprécie          370
J'avais souhaité bien autre chose que le poème dans les livres
Je l'imaginais dans la vie et n'ai pas tout à fait rompu avec ce rêve-là
Commenter  J’apprécie          350
Quand je sortis de l'hôpital
Un odieux soleil m'accueillit
Faisait injure un jour égal
Sur les arbres de Montsouris

Surplombant un monde inchangé
Un ciel de paille et de lumière
Peignait un Paris arrangé
Je venais de perdre ma mère

Il n'y a rien qui rende fou
Comme le calme en plein malheur
Sans un sanglot subir debout
Une apocalypse intérieure

La méchanceté du réel
Consiste à compter pour néant
La tragédie quand pêle-mêle
Le matin chasse les perdants

Rien ne s'en voit la pelleteuse
Pousse du menton les gisants
L'aube n'est pas moins soleilleuse
Ça ne gêne pas les passants

Ce fut une étrange torture
L'impression d'un dédoublement
Pourtant qu'éviter les voitures
Jusqu'à la Porte d'Orléans

Un moi faux filait à grands pas
Entre le tram et les façades
L'autre gardait entre ses doigts
L'affreux verdict d'une main froide

J'avais versé toute une nuit
Des mots tièdes sur cette glace
Un murmure aussitôt détruit
Un babil d'amour à voix basse

Pour tout écho un écran vert
Décomptait un cœur qui lâchait
À court parfois de faits divers
Lançant un prénom j'espérais

Que par magie la mort régresse
On a dit l'amour plus fort qu'elle
Mièvre fable quand disparaissent
Les battements artificiels
Commenter  J’apprécie          313
Olivier Barbarant
Dans un monde qu'on crucifie
reste l'amour de ce qui tremble

Comme si la vie partout menacée
trouvait refuge dans la chair

Arbre ou fruit ou velours humain
soie des pétales ou des paupières

Tout ce qui vit réclame enfin
sa fraternité de souffrance

Pitié pour tout ce qui palpite
Tambour d'un torse nu ou prairie sous la pluie

Fugitives statues de muscle ou de feuillage
corps qui passez
quelle tendresse j'ai pour vous

( poème in" Ces instants de grâce dans l'éternité ")
Commenter  J’apprécie          200
ODE AUX FONTAINES


Il y eut les soirs de novembre le bar sordide
Les pleurs à rechercher la compagnie des yeux
Simplement des poings et des yeux interchangeables
Pour que la mort ne se voie pas trop

Il y eut sous le ciel picard
Notre première aurore le gris soudain plus beau
Que de sourires dans nos brumes le bouquet plus grand que
 moi je le traînais
Sur l’asphalte d’immenses roses comme ferait un balayeur
Le cœur battait vraiment pour la première fois j’allais à ta
 rencontre
Et je jetais dans les pétales sans le savoir la poussière de mes
 propres pas

Depuis j’énumère et ce sont des rêves à peine
Tout a fané et tout demeure Presque on aurait honte à le dire
Tant est simple dans les fontaines
L’inventaire des eaux glacées.

p.67
Commenter  J’apprécie          170
ODE À CE QUI RESTE DE L'ENFANCE


Il fait froid et gris aujourd'hui l'argent du jour lentement se
 love aux carreaux
Je me demande ce que j'ajoute à la terrible nudité des choses
J'aimerais parler quelquefois comme on déshabille la vie
Comme on ôte au poisson sa panoplie d'écailles comme on
 retire le velours d'un fruit
Écrire à cru sans plus rien de moi-même qui s'entortille à
 l'évidente platitude
À la brutalité de la lumière sans le vouloir que chaque fois
 j'adoucis…

p.68
Commenter  J’apprécie          160
Coronaballade

Je n'ai jamais tant vu d'azur
Qu'en ces semaines prisonnières
Tandis qu'en mes jours ordinaires
Paris le découpe en lanières
Aux ciseaux gris de ses toitures

S'invente en avril un été
Quand l'interminable dimanche
Offre à nos regards confinés
Un bras de soleil dans les branches
De mon petit jardin carré

Hormis le ciel toute aventure
Ne nous vient plus que des écrans
S'y succèdent des figurants
Qui pontifient et doctement
Versent leur horrible parlure

( début )
Commenter  J’apprécie          130
CHANT DE LA PORTE SAINT-MARTIN

Pièces vides
Fauteuils où dorment des fantômes
Où ne s'asseyent plus que des souvenirs

Il n'est pas possible que rien ne soit changé
Le broc à eau inamovible sur la table de la cuisine
Les journaux pêle-mêle dans le bac à revues
Tout me toise
Tout conspire à prétendre à votre nullité
Votre départ comptant pour rien devant
Le dur dédain des choses

J'ai beau écrire que le jour n'a plus le droit de renaître ni de lancer
Sa main pâle et livide à l'arête des toits
Que les vitrines des cafés n'ont plus lieu d'être quand vos reflets n'y passent plus
Les deux portes de pierre noire et jaune enjambant les boulevards
Ne cessent pourtant pas d'y jouer les écluses
De minute en minute arrêtant ou laissant s'écouler
Tantôt le serpentement monstrueux de la circulation
Tantôt les feux des phares qui s'y écrasent à rythme régulier
Chaque vague y jetant l'ordinaire tumulte de moteurs relancés ou force crissements de freins

À mi-chemin des deux arches sales le bureau de tabac vit sa vie
Des foules se forment qui tard s'émiettent
Devant la bouche du métro des géants africains invitent les passantes à se rendre
Dans l'un des nombreux salons de coiffure poussés un peu partout

Une nuit criarde faite de néons roses vante des mots absurdes Le Plomb du Cantal La Botte d'Italie Le Banquet du Bosphore
À croire que seule demeure
De notre déchirure une géographie devenue insensée

Le ciel indifférent où charbonne la nuit
Le soir griffé de voitures
Se reproduisent

Quoi que je fasse le présent grouille dont vous n'êtes plus.

(Poème écrit pour ses parents, morts à huit mois d'intervalle)
Commenter  J’apprécie          122
Olivier Barbarant
Aujourd’hui le monde entier est sur ma table, entre la tasse sale
et les restes d’un croissant. Il faut pour lire
ou pour écrire ou tout simplement pour penser
résister à la tentation de savoir ce qu’ont déclaré le président américain,
une agence d’évaluation (évidemment indépendante)
ou une association de consommateurs
condamnant le dernier scandale alimentaire ou pharmaceutique ; et à plus tard
repousser le nettoyage des courriels (deux réunions, une esthéticienne de Mulhouse prodigieusement décolletée proposant ce qui s’appelle une amitié numérique)
si bien que le silence est de plus en plus difficile à bâtir,
que seul le front penché sur l’ivoire inchangé des pages peut le favoriser. Le calme
est devenu un combat, la durée un effort.
Commenter  J’apprécie          120
ODE AUX FONTAINES


C’est curieux sitôt qu’on en fait le compte
Ne reste de vivre que riens
Au mieux ce qu’on en voit à la surface des fontaines

Dans la ville ronde il me revient un soir d’été
On traversait la rivière elle avait mis sa plus belle robe
C’était une explosion de réverbères et de bijoux
Et c’est banal je le sais bien ces affaires de baisers donnés
 dans l’odeur des roses
Ses lèvres qui sentaient l’orange chaude je n’y peux rien
De tous les torses qu’on a croisés ne reste qu’une même
 romance
Leur cœur bat pareil dans le souvenir…

p.65

Commenter  J’apprécie          120
ÉLÉGIES ÉTRANGLÉES

CHANT DE LA PORTE SAINT-MARTIN


Pièces vides
Fauteuils où dorment des fantômes
Où ne s'asseyent plus que des souvenirs

Il n'est pas possible que rien ne soit changé
Le broc à eau inamovible sur la table de la cuisine
Les journaux pêle-mêle dans le bac à revues
Tout me toise
Tout conspire à prétendre à votre nullité
Votre départ comptant pour rien devant
Le dur dédain des choses…

p.151
Commenter  J’apprécie          110
Je n'ai vécu vraiment qu'au pilori des choses
Un réveil par exemple peuplé d'émois face aux paupières pleines de rêves
La pulpe des songes réfugiée dans les lèvres qui vous frôlent et s'en vont
Et quand la silhouette après tourne l'angle de la rue
Le premier matin de juillet soudain qui vous écorche
Vous explique ce qu'est vraiment la vie
Commenter  J’apprécie          90
Au moment de mourir…


Extrait 2

Maigre récolte : des lumières, des épaules et des regards,
à peine un film de vacances, de la musique et quelques mots,
des vers de Racine, « je dépasserai
ma gorge et mon chant » ; un peu de sable
et quelques flammes ; la peau laiteuse d'une rivière
qu'un plongeon disperse, et d'où jaillit

toute une vie : des gouttes d'eau, un peu de perle.
Commenter  J’apprécie          90
2015
Les pays calmes ont de la peine
A revoir la guerre dans leurs rues
Commenter  J’apprécie          80
Ils sortent des pays où le sable boit le sang. Cela va vite: à moins de s'appliquer, on n'en voit rien.

Ils ont fui les pays brûlants où ne brille plus guère le soleil: des fumées les cachent. Comme il est de plomb, c'est pratique. On vit, on meurt à l'ombre des poussières remuées.

Incroyable ce que produisent de nuages un immeuble qui tombe, une maison qu'on abat.

Ils ont traversé des mers dans des coquilles de noix, leur plastique multicolore sur des remous d'azur. En cas de naufrage, le bleu éblouissant avale les corps d'un coup.

Le bel été de l'eau n'est troublé qu'un instant
Commenter  J’apprécie          80
ODE AUX FONTAINES


Il y eut à Aix la joie de juillet
À Marseille un premier sourire
Et sous les toits l’atroce studio surchauffé
Où le soleil tombait tout droit sur notre fièvre
Un corps de miel sur un matelas

À Londres il était allemand
Et bruns et blonds tout se mélange

Tout se dérègle tout se raie à mesure que sont faits les comptes
C’est à peine s’il reste à la page un ou deux signes de croix
Quand un jambage couleur de ciel peut-être suffirait
Au lieu de mes repentirs une initiale dans de la neige la trace
 d’un insecte

p.66-67
Commenter  J’apprécie          80
Le cadran des jours


Le soleil forme un fruit coupé
à la lame de l'eau. Des feuillages
en trop, des façades, et les néons éteints
réduits à l'état de squelette
pour parachever le bouillon.

Il n'y a pas la moindre aquarelle
à soutirer aux apparences, même si
au loin l'aube rose brode un drapeau.

p.121
Commenter  J’apprécie          80
A travers l'Aube

Du vert à foison, du presque jaune au presque noir, et au
milieu
une longue ligne d'eau trouble, toute droite le long des rails

C'est la pays de mon passé qu'un petit train traverse lentement
Bar-sur-Aube Troyes Nogent-sur-Seine
J'ai l"impression de parcourir mon enfance mais en désordre

L'eau pleine de craie, infusée de tilleuls,
me demeure familière. Pourquoi, dès lors,
cette envie de pleurer?
Commenter  J’apprécie          70
LA DER DES DER


Sur l'estrade du bal des pompiers je me noierai d'un discours
 absurde me tromperai comme toujours bégaierai bien
 entendu

Et personne pourtant n'en tiendra compte ni rigueur

Parce que la langue de toute façon tout le monde ce soir-là
 saura ou bien aura appris à l'occasion qu'elle est faite pour
 s'embrasser

Tourner sa valse dans ta bouche

Tout le français fait pour t'aimer et rien d'autre

Seulement son atonie Musique et mots entremêlés leurs ramas
 de neige qu'on croque

Et qu'aurait-on besoin tu le sais de comprendre …

p.58-59
Commenter  J’apprécie          70



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Olivier Barbarant (29)Voir plus

Quiz Voir plus

Adieu Paul, maudit mardi 30 avril 2024

Certains esprits chagrins m'avaient mis en garde, le titre de ce roman disaient-ils constitue le déclenchement d'un compte à rebours dont nous connaissons tous l'issue ...???....

5,4,3,2,1
5,4,3,
4,3,2,1
3,2,1

10 questions
36 lecteurs ont répondu
Thème : Paul AusterCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..