Lettre à Agathe Audoux, le 30 juillet 1999
Extrait 2
J’oserais dire : je connais son visage. Quelques mesures sont couchées sur le papier, tel un œuf. Impénétrables pour l’étranger, mais contenant, comme involuée en elles, l’œuvre tout entière. Toutefois le moment n’est pas encore venu de composer, ou plutôt d’écrire. Maintenant que l’œuvre est vivante, en gestation dans le ventre de l’imaginaire, maintenant qu’elle possède son identité, je ressens que je dois la laisser croître par elle-même, qu’intervenir – c’est-à-dire écrire – trop tôt équivaudrait à faire paraître au jour un enfant prématuré. Je retarde avec délice l’instant où je vais devoir enfermer l’œuvre derrière les portées de sa prison de papier en les fixant à jamais, la soustrayant à ce monde virtuel, et inaccessible aux néophytes, où elle est sans être, autrement dit : où tout est encore possible.
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Lettre à Agathe Audoux, le 30 juillet 1999
Extrait 1
Souvent une œuvre me vient par le biais d’une idée toute simple (cela peut être un motif de quelques notes), que je griffonne sur un coin de page. Puis je n’y touche plus. Je la laisse se nourrir elle-même de l’air du temps, ou plus exactement : je la laisse agir comme un aimant, attirant à elle tout ce qui passe dans sa proximité. J’aime à allonger cette période où j’ai quasiment l’impression que l’œuvre grandit sans moi, selon un processus organique qui m’échappe. Quelques jours ont passé. Ça y est : l’idée a été fécondée ! Parfois je peux presque ressentir l’instant précis où cette fécondation se produit. L’idée est devenue un début. Je sais désormais comment commence l’œuvre.
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