À la télévision, Jean-Louis « peut tout voir », mais inversement par elle (en elle?) il peut aussi se blottir et ne pas être vu. Se cacher : car l’installation dans le chômage permanent délégitime entièrement son être social et l’oblige à fuir le regard des autres.
Bien des femmes à qui un « régime » est conseillé se refusent à le suivre, parce que la nourriture est un droit acquis, une victoire sur la frustration, dont le renoncement est mal supporté.
Dans la lutte d’autorité qui constitue un aspect structurel de leurs rapports, hommes et femmes manient des armes différentes. Les hommes jouent sur le corps et sur les privilèges associés à leur sexe. Les femmes se servent de l’arme verbale comme d’une technique de contestation et de mise à mal du narcissisme masculin.
— la phase prolétarienne allait de pair avec une forte vie collective du groupe ;
— la montée du pôle privé reflétait une tendance globale vers la dépaupérisation ;
— la reprolétarisation actuelle de certaines couches sociales s’accompagne, au contraire, d’un renforcement des défenses privatives. C’est dans un tel contexte que le monde privé prend son caractère le plus appauvri et le plus rétracté. On peut parler d’une fermeture par « insularité ».
L’importance du foyer n’est pas nouvelle dans la classe ouvrière, mais qu’il puisse à ce point concurrencer, ou — dans des cas limites de chômage durable — supplanter les expériences collectives paraît, en revanche, introduire une rupture significative.
Alors qu'une caractéristique fréquente des univers ouvriers anciens était d'être fortement ségrégés, coupés du monde qui les entourait, les membres des classes populaires contemporaines, à la fois plus scolarisés et plus tertiarisés, se caractériseront sans doute par des habitudes et des capacités plus étendues de contact avec le monde extérieur. Les barrières sociales entre les classes ne disparaîtront pas pour autant - tout aujourd'hui indique le contraire -, mais se maintiendront sous d'autres modes.
Travailler à la mine, c’était d’abord travailler sur soi, et la dimension auto-agressive de ce travail, pour ne pas évoluer en attaque contre soi, supposait une dérivation au moins partielle vers l’extérieur. C’est dans ce contexte que bien des femmes de mineurs ont dû subir les accès de rage et de révolte de leur mari.*
Si l'homme se pense comme responsable de sa famille, c'est par le biais du travail. Une fois rentré chez lui, s'étant acquitté de son rôle, il se place essentiellement en position de demandeur, c'est à dire qu'à l'intérieur de cet espace, la demande qu'il exerce et qu'il désir voir satisfaite est sans contrepartie.
Les enfants sont nombreux dans les familles des Ilots et la femme a l'essentiel de la charge. Donner, soigner, transmettre, exercer sur l'ensemble du foyer sa fonction tutélaire englobante l'exposent constamment au morcellement, à la dépossession, à n'appartenir qu'à la demande d'autrui.
* Il est des émotions socialement typiques. La colère est une caractéristique des hommes de l’ancienne société ouvrière du Nord. Sans doute n’est-ce pas un hasard si François Dubet (1987) découvre la rage au cœur des conduites des jeunes dans les banlieues populaires d’aujourd’hui.