AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de enkidu_


La conscience nous apparaît comme un problème temporel en ce sens que le temps représente la forme de la conscience et que c'est ce facteur temps qui rend agréables ou désagréables ses divers contenus. La volonté, force active constante, cherche à prolonger par la conscience son affirmation éprouvée comme agréable, à la rendre durable, autrement dit à transformer le sentiment de bonheur en délivrance. Si cette prolongation réussit, elle devient pénible parce qu'imposée et l'individu cherche à se débarrasser des esprits qu'il avait évoqués. Ainsi le sentiment d'amour devrait rendre constant le plaisir sexuel qui supprime le conflit de la volonté par la jouissance de sa réalisation ; mais cette dépendance affective, l'individu l'éprouve comme une contrainte et cherche à s'en délivrer par un effort conscient de volonté ; le voilà donc ramené au sentiment de culpabilité auquel il cherchera à échapper par l'inconscient. C'est ici que se placent toutes les idées de rédemption dans l'éternité, depuis le nirvana bouddhique jusqu'à la croyance chrétienne à l'immortalité ; efforts qui ne visent, en somme, qu’à délivrer l'être de la torturante conscience de soi et ont aussi peu de rapport avec la véritable mort biologique que « l'instinct de mort » de Freud. Car la pénible réalité, dont l'individu veut se débarrasser, c'est la conscience personnelle sous forme de lancinante conscience de soi. La délivrance, on la cherche dans la domination de la forme temporelle de la conscience dans des symboles de durée et d'éternité ; parmi ceux-ci la procréation et la mort ont toujours eu la préférence parce qu'elles sont des phases du cycle biologique.

L'homme s'est senti immortel, tant qu'il n'a rien su du temps, tant qu'il n'en a pas eu conscience. Tel est le sens du péché originel, symbole qui fait de la fatalité accablant l'homme une conséquence du péché de connaissance, tandis que le mythe grec, en une formule psychologique, rattache à l’apparition de la conscience du temps la transition qui s'est faite du dieu immortel à l'homme mortel. Ouranos, l'éternel dieu céleste, est châtré par Kronos, symbole du temps et de la durée qui, depuis lors, domine le monde et l'homme. Si Freud avait désigné le complexe qui est au fond de ce mythe d'après le héros et non d'après le contenu, il aurait compris que le « complexe de Kronos » est peut-être, pour l'humanité actuelle, le plus important et le plus puissant. C'est avec lui que le problème du temps devient un problème psychologique et fait irruption dans la conscience humaine en développement ; c'est par lui que l'éternel principe biologique de la procréation, dont le mythe de l’union amoureuse du ciel avec la terre est la représentation cosmique, est brisé par la conscience humaine devenue consciente du temps. A partir de ce moment, les idées humaines de rédemption prennent le caractère d’éternité, qui atteint sa forme extrême dans la vie bienheureuse du royaume céleste des chrétiens. La connaissance psychologique du problème du temps, comme forme de la conscience humaine, conduit donc à la fois de l'éphémère satisfaction instinctive que donne le bonheur à la paix éternelle de la béatitude, au salut. (chapitre VI)
Commenter  J’apprécie          40









{* *}