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Citation de Charybde2


Le drone volait en cercles loin au-dessus des ravages de la guerre.
Il n’était pas là une semaine plus tôt. Une semaine plus tôt, les Cités englouties ne valaient pas la peine qu’on les mentionne, encore moins qu’on envoie un drone les surveiller.
Les Cités englouties : littoral rendu marécageux par la montée des eaux et les haines politiques, lieu de décombres et d’incessants échanges de feu. Autrefois fière capitale, les gens qui alors circulaient dans ses couloirs de marbre dominaient une bonne partie du monde. Aujourd’hui, l’endroit avait à peine sa place sur les cartes, et encore moins au cœur des réunions des personnes civilisées. Les histoires qu’elles avaient contrôlées, les territoires qu’elles avaient gouvernés, tout avait été perdu à mesure que ses habitants sombraient dans la guerre civile – avant d’être oubliés.
Pourtant, un drone de surveillance de classe Rapace les survolait à présent.
Maintenu à distance par des courants humides et chauds, il observait les jungles impénétrables et les côtes érodées. Il tournait en ronds, les ailes déployées pour profiter des vents tièdes de l’océan Atlantique. Ses caméras passaient sur les marais emmêlés de kudzu et les étangs émeraude infestés de moustiques. Son regard s’attardait sur les monuments de marbre, les flèches, les dômes et les colonnes abattues, le squelette désarticulé de la grandeur de la ville.
Au début, les rapports avaient été écartés, ce n’était que récits de réfugiés rendus fous par les guerres : un monstre menant les enfants soldats à la victoire ; une bête immunisée contre les balles démembrant ses adversaires. Une immense créature sauvage qui exigeait un tribut sans fin de crânes ennemis.
Au début, personne n’y croyait.
Mais plus tard, des photos satellite floues montrèrent les bâtiments en feu et les déplacements des troupes, confirmèrent les témoignages les plus extravagants. Le drone fut donc lancé en chasse.
Le vautour électronique tournait, paresseux, lointain. Son ventre regorgeait de caméras, de senseurs de chaleur, de micros laser et d’équipements d’interception radio.
Il photographiait les ruines historiques et ses habitants barbares. Il écoutait les brèves communications radio, analysait les mouvements de troupes, le rythme des explosions. Il traquait les lignes de feu et enregistrait le morcellement des soldats ennemis.
Et au loin – de l’autre côté du continent, les informations rassemblées par le Rapace atteignaient ses maîtres.
Là flottait un grand dirigeable, majestueux au-dessus de l’océan Pacifique. Le nom inscrit sur son flanc était aussi grandiose que le vaisseau de guerre lui-même : Annapurna.
Un quart de la planète séparait l’aéronef de commandement et le Rapace d’espionnage, pourtant les informations arrivaient en un clin d’œil et déclenchaient l’alarme.
– Mon général !
L’analyste s’écarta de ses écrans de contrôle, clignant des paupières, essuya la sueur de son front. Le Centre stratégique de renseignement global de Mercier Corporation irradiait de chaleur à cause des équipements informatiques et des analystes serrés coude à coude, occupés à leurs propres opérations. Le murmure de leur travail emplissait la pièce, accompagné des gémissements épuisés des ventilateurs qui luttaient pour rafraîchir les lieux.
À bord de l’Annapurna, on accordait plus d’importance à l’efficacité spatiale et à la vigilance maximale qu’au confort, tout le monde transpirait donc et personne ne se plaignait.
– Mon général ! appela de nouveau l’analyste.
Elle avait, au début, détesté la chasse au dahu qu’on lui avait confiée – succession de petites tâches quand ses confrères en renseignement ourdissaient des révolutions, massacraient des insurgés et luttaient contre la spéculation sur les marchés du lithium et du cobalt. Ils s’étaient moqués de sa mission – au mess, dans les chambrées, dans les douches -, la chahutaient sous prétexte qu’elle ne participait pas au dessein global, lui rappelaient que ses primes trimestrielles seraient réduites à zéro puisqu’elle ne contribuait pas aux profits de la société.
Elle était secrètement et amèrement d’accord avec eux. Jusqu’à cet instant.
– Général Caroa ! Je pense avoir quelque chose.
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