Les moines ont posé sur la commode de ma petite cellule une édition de poche de la règle de saint Benoît. Un petit livre gris qui m’invite à vérifier où, dans ses trois cents pages, réparties entre soixante-treize chapitres, peut se loger le secret de cette prodigieuse aventure. J’y ai déjà lu des enseignements admirables : l’autorité exercée à travers l’écoute ; l’élection démocratique de l’abbé ; le prestige qui ne dépend en aucun cas de l’âge ; l’ouverture aux plus jeunes ; la gestion collective des litiges internes par le biais d’une assemblée, ce qui devait ensuite engendrer, avec la réforme cistercienne, le premier parlement du continent ; la discipline, mais aussi la mansuétude des rapports humains ; la différence abyssale entre le zèle dans la douceur et dans l’amertume. Une modernité bouleversante. Peut-être le moment est-il venu de comprendre si la règle serait encore utile pour tirer les élites de leur torpeur, refaire l’Europe et barrer la route à la barbarie.