Histoire et modernité des arts du cirque par Pascal Jacob
Le Département de l'Hérault
Le feu est une source possible pour expliquer et comprendre la fascination exercée par le corps acrobatique placé au coeur du cercle. L'assemblage de fragments de bois embrasés, les ombres projetées sur les parois de la caverne, le groupe de chasseurs rassemblés, suggèrent des images proches de celles d'une communauté fascinée par l'écuyer ou l'acrobate en action dans l'aire de jeu.
La tribune de l'orchestre semble tellement vide, avec ses contrebasses en bois léger, qu'une pierre jetée dans la boîte à musique pourrait dégager une sonorité de cataclysme.
En explorant des territoires ou le verbe s'avère souvent impuissant, l'acrobatie permet d'entrouvrir des zones indécises de création, de favoriser le dévoilement de ce qui est longtemps resté dissimulé.
C'est dans cette capacité à tisser ensemble les fils de l'histoire que le clown moderne s'est épanoui et sans cesse enrichi, foulant les planches comme la sciure.
Indémodable, sans âge, éternel peut-être, le clown de tous les instants, élégant ou grimaçant, incarne à la fois fascination muette et terreurs d'enfance. C'est de cette ambivalence, cette capacité à souffler le chaud et le froid que le clown tire son énergie. C'est de cette probabilité de la chute, de la glissade et de l'effondrement aussitôt mué en un bond joyeux que le clown pactise depuis longtemps avec le phénix...
Le clown est un remède. Une purge diront certains. Un philtre magique plaideront les autres. Mais, bien au-delà des fantômes et des regrets, des contraintes et des épines, le clown est omniprésent. Il rôde, frôle, assène, oblige, surprend. Toujours. C'est pour cela que le clown est si dur à cerner. Il est partout. Et nos existences ne seraient pas les mêmes sans lui.
Qu'est-ce que ça mange un clown ?
La vie.
La fonction du clown est d'amuser l'audience, rassemblée autour de la piste pour être éblouie, étonnée et émerveillée. C'est là son unique raison d'être, au prix parfois de coups reçus, acceptés, supportés, mais rarement rendus.
En posant comme postulat de départ que la société est composée et gouvernée par autant de fous qu'il est possible d'en trouver, ils parviennent à faire accepter des répliques plus acérées que des lames d'acier.
Les entrées comiques sont des vanités vivantes, de pétillants rappels à l'ordre du monde, de sémillants memento mori en deux éclats de rire, trois mouvements et une estocade.
Le clown est une esquisse du tumulte, un écho des mots qui s'entrechoquent sur les tribunes les plus prestigieuses ou dans la rue, à fleur de trottoir peut-on dire.