Rolande s'éteint le 22 novembre 1974. Les médecins lui avaient donné un an, son calvaire aura duré un an pile. Elle sera enterrée dans sa jolie robe bleue. On sait l'attachement qu'avait Alain pour ses parents. La disparition de sa mère symbolise pour lui la fin de la verrerie Fondary.
Nounours et Biquette décident alors de vendre l'entreprise et vont s'installer en Normandie dans la maison de Connelles. Mais Alain, pour qui tout dans cette demeure évoque le souvenir de son père, va progressivement glisser dans une déprime insidieuse et se laisser aller, traînant toute la journée en pyjama, annulant ses engagements, cependant que Michèle, pour faire bouillir la marmite, réalise de petits objets en verre ainsi qu'elle a appris à le faire en observant. Pendant une année, Alain va déserter la scène lyrique. Mais à l'approche d'une échéance importante, et avec l'aide de son épouse, il va trouver la force de se ressaisir. C'est à Issy-les-Moulineaux qu'il doit chanter Escamillo pour la première fois, à l'âge de quarante-trois ans. Il était temps ! Alain ne court plus régulièrement et son bon coup de fourchette gratifie maintenant sa silhouette d'un bel embonpoint. De plus, son crâne n'a de cesse de se dégarnir et ses cheveux blonds sont à présent clairsemés. Mais parlons plutôt « psychologie du rôle ».
Alain, jusque-là, s'est posé peu de questions sur le sujet, considérant ces couplets comme les fanfaronnades d'un « m'as-tu-vu » venu expliquer à des Espagnols ce qu'est une corrida.
Y'a de quoi s'taper le cul par terre !
Ce protagoniste assez mineur dans la nouvelle de Mérimée, reste, dans l'opéra de Georges Bizet, un écueil pour nombre de chanteurs. Si la plupart des barytons et des basses sont gênés par l'exigence de sa tessiture ainsi que par la couleur vocale requise, Escamillo convient parfaitement à Nounours, doté d'une voix « longue » et d'un timbre « sombre ». Cependant, après plusieurs Carmen, n'obtenant pas le succès escompté dans son air qu'il qualifie de « promenade de santé », Alain s'interroge sur la pertinence de son interprétation.
Don ou malédiction ? Jésus Despieds découvre qu’il est doté d’une voix de ténor extraordinaire, mais c’est son frère Louis-Guy qui a reçu l’intelligence en partage. Avec des termes sonnants et rares, l’auteur nous entraîne dans la fabuleuse épopée des frères Despieds, des quartiers populaires de Marseille à Venise : apprentissage du chant, recherche de maîtres, quête de la reconnaissance, de l’amour… Dans un style alternant sans pudeur l’extrême raffinement et le vulgaire débridé, Patrick Alliotte truffe son « bazar de l’ouïe » de quiproquos savoureux, de dialogues souvent hilarants et toujours rythmés musicalement. On se délecte des personnages hauts en couleur du microcosme lyrique et des formules absconses destinées à exprimer les subtilités de la technique vocale. Tous ceux qui, un jour, ont fait l’expérience du chant se reconnaitront dans ce livre qui n’en décrit pas moins une aventure humaine chargée d’émotions universelles. Récit d’initiation, de découvertes et de désillusions, d’épanouissement et d’échecs, ce roman reste avant tout un moyen de traduire, à travers le chant, notre quête de sens. Ce livre généreux et plein d’humour est à déguster comme une pâtisserie savoureuse.
Amour Lange, dit le Papillon, ancienne star du lyrique, metteur en scène sursitaire, greffé du rein priape, après dix jours d’un jeûne intégriste n’était toujours pas mort.