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Citation de hupomnemata


Patrick Corillon
Lorsque nous frappons ou consolons notre âne, nous le couvrons d’une série de noms que nous oublions aussitôt. Mais comment pourrions-nous le baptiser d’un seul et vrai nom. Le baptème est une espérance que nous donnons à ceux que nous voulons épargner ; et notre âne, que nous chargeons pourtant de tant de choses, ne nous est porteur d’aucun espoir. Nous savons qu’il peut nous fausser compagnie à tout moment.
Nous parlons à notre âne comme au soldat inconnu. Qu’il soit de notre camp ou du camp adverse. Peu importe. Quel nom donner à celui qui a enduré tant de haine et de compassion ; quel nom donner à celui qui allait peut-être déserter s’il n’avait pas été abattu deux minutes plus tôt. Même les nations les plus sages, dans leur devoir de mémoire, n’ont pas su répondre à la question.
Peut-être pourrions-nous lui donner un nom de scène, sous lequel il jouerait tous les rôles de martyr et de Judas que l’on voudrait lui voir jouer. Mais cela voudrait dire qu’en lui parlant, nous ferions aussi partie de la comédie. Sous le nom que Dieu nous a donné.

N.B. Si l’occasion se présente, n’hésitons pas à nous rendre avec notre âne sur la tombe du soldat inconnu. Il se précipitera aussitôt sur la gerbe pour la manger. Au début nous ne comprendrons pas qu’elle lui appartienne autant qu’à l’Autre, et nous lui ouvrirons la bouche pour la lui retirer des dents. Mais dès que nous aurons la tête entre ses mâchoires, nous y découvrirons les chrysanthèmes mutilés, les roses dégoulinantes de bave, les tulipes déjà à moitié décomposées…
L’âne prendra tout son temps pour mâcher la gerbe. Car il n’a pas faim. Il n’est que notre goûteur. Avec ses yeux de chien battu, il goûte la misère du monde pour nous permettre de la digérer sans trop de mal.
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