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2.5/5 (sur 4 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Tours , le 16/12/1954
Biographie :

Patrick Née est agrégé de lettres modernes. En 1986 il soutient une thèse sur Le Sens de la continuité dans l’œuvre de René Char.

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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
 
« Terre dévêtue
Terre usée
Lumière friable
Saveur sans fond
Étrange saveur de chair nue
Ruinée, moulue
Comme un blé nouveau
Déjà mûr de sa musique
Qui monte dans les tiges du couchant – »
 
C’est ici la « terre » même de Judée, toute « usée » et « ruinée » qu’elle soit, et si gorgée de soleil qu’elle s’émiette en « lumière friable », qui par la puissance de la métaphore lève comme un champ de « blé nouveau » par où « mont[eraient] dans les tiges du couchant » les épis d’or de la lumière du soir. L’annonce en était déjà faite au poème précédent, qui ouvrait cette section :

« Comme si le temps prêté au vivant
moulu dans la sombre épaisseur des pierres
donnait aux crépuscules de Judée
leur porosité respirante, lumineuse – »
 
Lui aussi « moulu » comme fine farine, le temps du couchant se fait promesse de pain – d’une pâte si aérée qu’elle satisfera moins aux besoins de l’alimentation qu’à ceux, plus vitaux encore, de la respiration. Or, par rapport à ce corps cosmique, le poète est dans la même situation que le chirurgien par rapport au corps humain :
 
« rares sont les jours où l’aube ne m’appelle
comme au lit de quelqu’un qui ne saurait
au juste le sens du souffle qui se cherche – »
 
Telle est bien en effet l’expérience fréquente du médecin hospitalier, appelé au chevet de tel ou tel malade dont le souffle, si irrégulier qu’il menace de se perdre pour de bon, « se cherche » encore en un sursaut de vie. Et c’est aussi celle du poète levé dès le petit matin : mais c’est la pulsation de « l’aube » qui l’« appelle » alors, pour qu’il confère un « sens » au « souffle » de la création tout entière – dont celle-ci risquerait fort de manquer jusqu’à l’absurde, au cas où cette opération proprement poétique n’aurait pas lieu.
 
Il faut dire qu’avec Lorand Gaspar on se situe aux antipodes de la tradition du coucher de soleil romantique, non seulement parce qu’ici il s’agit d’aube, mais surtout parce que nul « soleil […] noyé dans son sang qui se fige » (Baudelaire, « Harmonie du soir ») ne s’y trouve mélancoliquement exalté. Tout au contraire de cette paralysie fascinée, de cet hémorragique engluement, le poète chante l’énergie du :

« ... feu de ces grands ciels rouges du soir,
cherchant quand la braise se couvre de cendre
le geste et la parole pour celui qui passe – »
 
c’est-à-dire – en joignant au rouge de la parole le feu d’un geste qui secoue la « cendre » du foyer pour en ranimer la « braise » – qu’il incite précisément le passant à passer. De sorte que ne peut manquer de reparaître bientôt dans ce décor nocturne l’activité de la scène chirurgicale, luttant pour arracher la vie aux puissances de mort déchaînées à l’extérieur de son cercle lumineux (se rallume dans la mémoire la lumière scialytique du champ opératoire de l’hôpital de Bethléem, sur fond de la guerre incendiant alors la Palestine) :
 
« Et je me rappelle ces nuits lointaines
(qu’une fois de plus embrasait la guerre)
sous la fragile clarté d’une lampe
trois femmes et un homme
cherchant à recoudre des corps
que d’autres au dehors sans relâche déchiraient – »
 

 
On pourrait soutenir que, chez le poète, l’arbre s’impose jusque dans son absence :
 
« Regarde comme la nuit tremble dans les arbres
mais il n’y a pas d’arbres
et pas d’yeux pour regarder 
seulement cette mélodie

seulement la flèche de clarté
du désir sur les pistes de nuit – »
 
On a beau être au désert, le désir fait flèche de tout bois, et l’arbre est là dans le regard de l’esprit. « Pourtant de grands arbres bougent dans la pensée, comme une lueur quelque part pour juger de ce noir, pour que je puisse le percevoir. Une lueur qui cherche les mots, le pain des mots. »
 
Arbre de secours, où monte une sève salutaire comme l’est la réparation de la parole poétique – arbre à pain aussi bien, manne au désert qui ne tomberait pas du ciel, mais porterait à maturité la croissance nourricière de la terre.
 

 
Et dans la reprise, en 2004, du court essai de 1998 rendant compte de l’apport du désert dans son expérience de poésie et de vie, Lorand Gaspar confirme à quel point il s’est agi là pour lui d’une révélation du « sans bornes », en y ajoutant la perception tout à fait paradoxale, au cœur d’une telle sécheresse, de la vie à sa « source » :
 
« Je sais que c’est dans le silence des marches ou en attendant le sommeil sous la voûte nocturne crissante de mondes […] que se sont forgées en moi quelques idées-visions sur les rapports de l’homme avec ce qui sans bornes s’ouvre à son regard, à sa pensée ou dans sa pensée. Ce dépouillement, cette aridité me semblaient conduire à une source de vie présente en toute chose et soudain rendue perceptible dans cette nudité. » (« Approches d’un désert vivant »)
 
 
VI. Du corps, 4. Pulsions et passions du corps | pp. 253-4
(Poèmes cités dans « Patmos et autres poèmes » : les deux premiers dans « Poussière de Judée », puis « La Maison près de la mer II », et « Nuits »).

III. Du divisé à l’indivisible, 3. Primat de l'arbre | pp. 130-1
(Les deux poèmes cités dans « Feuilles d’observation »).

V. Vers l’Un, 4. L’Un, l’Ouvert | p. 202
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D'emblée, Nadja apparaît comme un étendard du surréalisme : signe de ralliement pour la critique des œuvres surréalistes elles-mêmes, qui trouveraient là leur chef-d’œuvre; et, sur un autre front, permettant de traiter de puissance à puissance avec les grandes œuvres du passé.
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