Bancs publics
Où sont, Georges, les bancs publics
Des amoureux de la tendresse,
Des amateurs de la paresse, Connaissant les vrais ombilics
de Paris la tigresse ?
Les bancs sont tous déboulonnés
afin que la foule circule
Sans fin, sans conciliabule,
Sans vivants regards étonnés
D'un Paris-libellule.
Le bois des bancs réchauffa -t-il
Les gueux qui dorment sur la grille
D'un vieil enfer qui les étrille
Sans un siège pour le babil
De Paris la godille ?
Où sont Brassens, les bancs publics
Sous les arbres des doux ombrages
qui nous préservaient des outrages
Des croquemitaines, des flics
De Paris les orages ?
Sachons inventer pour demain
D'autres bancs de tendresse,
d'autres bancs de sagesse
D'un Paris qui perd son chemin...(p.78-79)
Parisphérique
Voici vingt ans que je vivote
tout au bord du périphérique,
Vingt ans, vingt ans que je sirote
Sa sucrerie atmosphérique.
Fourmis fourmillent tout le jour,
Corridors plus sombres qu'un four.
Travail-patrie, et pas d'amour.
Le temps passe tempo-tambour.
Paris, Paris périphérique,
il pleut sur chaque souvenir;
Paris, Paris-Périphérique,
je lis l'éclair de l'avenir.
murs moirés, morbides miasmes,
pigeons prisonniers du bitume,
Sourds, susurrants, sournois sarcasmes,
Je taille ma plus belle plume !
Douce déesse en pâmoison,
Oublions ce gluant poison !
La vie étincelle à foison.
rêvons d'une verte toison..
Paris, Paris périphérique,
Sortirons-nous du gris sommeil ?
Paris, Paris-Périphérique,
Plus rien ne sera pareil. (p.21)
Nous revient en mémoire le bel alexandrin de Victor Hugo : "Le mur murant Paris rend Paris murmurant".
Vers toi
toi Bièvre
qui courut vers Paris la dévoreuse
engloutie en ses canalisations
vers toi Bièvre nous allons
cueillir l'air léger de tes coteaux boisés
quittant la touffeur de la ville
ses courants d'air lourds
voici par toi l'ouverture
la naïveté du pays vrai
la vertu perdue retrouvée
toi Bièvre des pastoureaux des poètes
toi Bièvre des industriels des marchands
nous allons vers ton front
poser quelque couronne ingénue
Benjamin Fondane est fondamentalement un poète de la vie, un poète de l'humain -- l'humain vivant doué d'une dimension spirituelle.
Sous le pavé la plage, fut, comme on s'en souvient, l'un des plus célèbres slogans de la révolution de Mai 1968. Aujourd'hui, presque tous les pavés parisiens sont recouverts de bitume, mettant sans doute fin à toute érection de barricades. Nous ne soulèverons pas le manteau d'asphalte pour retrouver Charles Baudelaire sur la barricade du carrefour de Buci, en 1848, mais nous contenterons d'imaginer le pas des poètes passant et repassant par les rues et ruelles de Paris. Sous le bitume, le pas des poètes.
Sous le bitume, les pas des poètes