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Critiques de Patrick Sheane Duncan (2)
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Dracula vs. Hitler

Un bouquin né sur une plateforme de crowdfunding/édition plutôt originale, basé sur une idée très pop-culture qui rappelle les meilleurs films de la Hammer des années 1970: Dracula vs. Hitler a tout pour intéresser le lecteur (anglophone) qui a déjà les deux pieds dans ce type de créations qui semblent farfelues mais ont une logique propre et souvent un message bien caché mais toujours intéressant.



L'idée d'opposer l'invasion nazie à un monstre "classique" n'est pas forcément nouvelle, surtout ces dernières années où les nazis zombies, nazis démons et autres monstres ont pu mener une première offensive contre nos lectures et nos vidéothèques. Ressusciter Dracula pour lutter contre les nazis qui ont envahi la Roumanie apparaît comme plutôt bonne, d'autant que Patrick Sheane Duncan reprend la suite de Dracula par Bram Stoker et emploie donc la fibre "nationaliste" de Dracula, défenseur de la Roumanie, pour le faire rejoindre la résistance. L'idée de reprendre une forme épistolaire (rapports nazis) mêlée à des récits (journaux intimes) qui s'entrecroisent, comme dans le roman original est à priori un bel hommage.

Sauf que.



L'ouvrage est long d'à peu près 500 pages, et promet de l'action à gogo. Le gogo, c'est en fait le lecteur, puisque Dracula n'apparaît véritablement dans l'histoire qu'au bout de 100 pages. S'ensuivent 20 pages qui sont absolument inutiles et mal foutues, puis, une trentaine de pages plus loin, Dracula a déjà commis deux massacres, que l'auteur élude en racontant tout autre chose, de totalement inintéressant. Car Dracula n'est évidemment pas seul, puisqu'il faut bien meubler les 150 premières pages du livre. On a donc le retour du bon Van Hellsing, en petit vieillard, sa fille Lucy, beauté-fatale-intelligente-libre-forte-et-conquérante, et évidemment, parce que le hasard comme par hasard fait très bien les choses, le petit-fils de Jonathan Harker et de sa femme Mina (ce qui pose déjà une énorme question sur l'incohérence temporelle de la chose, puisque la fille de Van Hellsing et le petit-fils de Jonathan Harker sont sensés avoir le même âge). Cet Harker est parachuté (littéralement) dans l'histoire aux côtés d'un sergent (nommé Renfield! Le hasard du hasard, vous dis-je!) dont visiblement Patrick Sheane Duncan ne savait pas trop quoi lui faire faire, puisqu'il s'est empressé de lui faire subir une blessure à la tête, le débilitant pour le reste de l'histoire (sauf, évidemment, les moments clés où il redevient un expert en démolition), et limitant son rôle à... chanter des chansons paillardes. Et ce beau monde est accompagné par tout un tas de personnages de la résistance roumaine qui ne servent à rien à part de chair à canon pour les nazis, parce qu'on ne peut décemment pas tuer les personnages principaux. Et finalement, l'histoire de la résistance, de Dracula contre les nazis, la répression, sont traitées d'une telle façon qu'on a l'impression que loin d'être le focus de l'histoire, ces éléments servent en fait de toile de fond à l'un des pires fléaux de la Littérature: la Romance.



Alors mettons-nous tout de suite d'accord: si vous avez adoré Twilight, si vous adorez la Chick-Lit ou le genre Young Adult, il y a des chances que vous adoriez également Dracula Vs. Hitler. Cet ouvrage est en effet une loooooongue, très looooongue suite de litanies sur les sentiments et les histoires de cul des uns et des autres. Imaginez, la fille de Van Hellsing commence l'aventure avec un jeune homme de la résistance, dont elle est follement éprise. Evidemment, les nazis le tuent assez rapidement, et l'auteur le remplace par... Harker (surprise.). Mais ça ne dure qu'une seule petite nuit, parce que Lucy est une femme forte qui oublie son amant décédé et pas encore totalement refroidi dans les bras d'un parfait inconnu qu'elle vient juste de rencontrer, en oubliant totalement ses sentiments et son deuil, parce que... "c'est la guerre".

Et puis elle le largue en 2 pages, et on va devoir se coltiner pendant les 450 pages qui suivent les lamentations du jeune Harker, tantôt jaloux, tantôt triste, et qui bien loin de l'image que l'on peut se faire de l'agent anglais surentrainé parachuté en territoire ennemi pour fournir un soutien armé et logistique aux résistants, s'avère être un adolescent de romans aussi peu réaliste qu'on puisse l'imaginer. En fait, Harker et Renfield pourraient tout aussi bien ne pas avoir été présents dans l'histoire, ça n'aurait absolument rien changé au déroulement de celle-ci, à part la réduire de 200 pages ennuyeuses à mourir.



Le summum est atteint à partir des pages 140-150, quand Lucy, femme libre et progressiste, est attirée par.... je vous le donne en mille: Dracula lui-même. Ah bah oui. Evidemment, tout de suite, ça rajoute du drame, n'est-ce pas? Et vous ne l'aviez absolument pas vu venir quand j'ai commencé à parler de romance. Je vous passe la crise de jalousie de Harker, pour en venir directement au cas de Dracula lui-même.

Dans le roman de Bram Stocker, il apparaît comme le mal absolu, séduisant mais littéralement monstrueux et démoniaque. Dans cette suite officieuse, hé bien on a juste le côté séduisant pour adolescentes qui fantasment sur les bruns ténébreux. Et putain, Dracula l'est, ténébreux... pour un ado émo sorti d'un manga shojo. Il est absolument ridicule de faire apparaître Dracula comme un être humain au corps parfait ("maigre mais musclé") torturé par sa nature de monstre sanguinaire, drapé dans sa cape de remords et dans son amour de noble, parangon de vertus chevaleresques. C'est pourtant ce que Patrick Sheane Duncan a osé nous infliger.



A partir de la page 180, j'ai vraiment perdu patience, parce que l'entrecroisement des journaux de Lucy et de Harker (et uniquement de ces deux-là) se centre sur cette histoire d'amour impossible à trois dont tout le monde se fout absolument, l'enjeu du roman étant sensé être "Dracula vs. Hitler" et la résistance contre les nazis. J'ai commencé à sauter des sections entières, puis des parties entières (celles de Harker, pathétiques au possible, puis celles de Lucy également, franchement inutiles). Et j'ai noté que loin de perdre des éléments de l'histoire, celle-ci devenait beaucoup plus supportable et compréhensible (pas qu'elle ait été difficile à comprendre, mais elle était totalement brouillée par ces sentiments de petits merdeux "qui souffrent dans leurs petits cœurs"). Il faut dire qu'il ne restait que les rapports nazis, vite rejoints par le journal d'Hitler himself, tous deux largement suffisants pour donner les éléments apportant réellement quelque chose à l'histoire.

Et la fin... c'est exactement ce qu'on peut imaginer une fois qu'on a compris qu'on lisait un remake de Twilight, les loup-garous en moins. [spoiler] Lucy est blessée, Dracula la transforme en vampire "pour la sauver", et ils vivent heureux jusqu'à la fin de l'éternité. [/spoiler]



Globalement, ce livre est absolument idiot, et est une arnaque totale. Romance débile et pathétique vendue comme un roman d'action, Dracula vs. Hitler se présente comme une suite au roman de Bram Stoker. La paresse de l'auteur, qui reprend les personnages originaux et leurs descendants, dans un contexte où une telle réunion est absolument improbable, ne fait que donner un arrière goût très amer à l'ensemble. Et cet arrière goût devient carrément de la bile quand on réalise que Patrick Sheane Duncan passe les 200 premières pages de son livre à faire cracher ses personnages sur le Dracula de Bram Stocker, qui aurait écrit un bouquin à sensation parfaitement stupide (c'est littéralement dit ainsi par Van Hellsing).



Le défaut majeur et rédhibitoire de Dracula Vs. Hitler est sa construction. Récit construit à partir de deux points de vue seulement (le journal d'Harker et le "roman" de Lucy), et seulement complété par d'anecdotiques rapports nazis (ils sont moins anecdotiques dans le dernier tiers de l'ouvrage, où apparaît également le journal d'Hitler), le fil de l'histoire ne présente aucun enjeu réel: le fait que ce soient des récits qui sont par nature écrits largement après les faits, on sait très bien que les deux personnages principaux survivront. Leurs écrits étant centrés sur leurs sentiments, plutôt que sur les faits qui forment la toile de fond, prive le récit de tout élément dramatique de nature à relever un peu les enjeux. Ça fonctionne dans Twilight, parce que le roman est présenté comme une histoire d'amour, mais c'est impardonnable dans Dracula vs. Hitler, qui est vendu comme un roman d'action. Les personnages n'ont aucune crédibilité, en particulier Harker, qui a tout de l'ado en pleine crise existentielle. Lucy n'est pas non plus crédible une seule seconde, puisque sa personnalité est celle d'une jeune femme droguée aux Slate, Cosmo et autres Madmoizelle, alors qu'elle a grandi dans l'entre-deux guerres. Plus que des personnages, ce sont des caricatures. Et Dracula, comme déjà mentionné, est une véritable insulte au Dracula originel.

Le fait d'avoir limité le récit à l'entrecroisement de deux journaux intimes brise totalement la dynamique de l'histoire. Le récit de Van Hellsing, par exemple, disparaît dès qu'apparaît Harker, or c'était lui qui fournissait les éléments de progression du récit vis-à-vis du vampire. Harker, loin de rédiger un journal, rédige en réalité un roman: il n'y a aucune différence avec le roman de Lucy, à part l'emploi de la première personne au lieu de la troisième. Des dizaines de personnages sont pourtant présents, mais seuls deux points de vue sont présentés. Autant pousser le raisonnement jusqu'au bout, et écrire un véritable roman, plutôt que de vouloir conserver la forme épistolaire du roman original, surtout si c'est pour prétendre lui rendre hommage en faisant cracher dessus par ses personnages à la moindre occasion.

Le fait d'avoir pu suivre le récit en sautant toutes les pages des journaux de Harker et de Lucy (des passages pourtant généralement assez conséquents, s'étalant sur 30 à 50 pages) montre que ce roman est un raté total. Il ne s'agit même pas de raconter un récit sous deux points de vue différents donnant deux versions différentes à partir des mêmes éléments: tout est redondant, et largement dispensable.



Dracula vs. Hitler est donc une énorme déception, et un échec total, que j'espère ne jamais voir traduit en français, pour éviter aux lecteurs de perdre leur temps.
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A l'épreuve du feu

Le livre est bien, peut-être un peu plus psychologique que le film. Mais c'est en accord avec l'examen de conscience du thème. Si vous avez des a priori, ce n'est pas vraiment un roman sur la place de la femme dans l'armée.
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