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Citation de Partemps


— Bref, l’un se fait chat pour dévorer l’autre qui s’était fait rat…

— Dératisation.

— Oui, mais le rat se fait tigre…

— Et le chat se fait lion !

— Naturellement. Mais le tigre se fait puce…

— Bravo ! Mais le lion se fait microbe… Savez-vous ce que ceci me rappelle ?

— Toute la vie, mon cher Docteur.

— Figurez-vous que je me suis laissé porter, il y a quelques années, sur une liste électorale. Les médecins sont très exposés… Bon. J’ai été candidat au Conseil Municipal, dans le XXme… Mon cher, il fallait monter en couleur à chaque instant.

— Vous aviez un magicien très actif comme concurrent ?

— Un pharmacien… formidable ! D’affiche en affiche, de réunion en réunion, la température et la couleur montaient, montaient… On jetait des flammes, on jetait du lest… Et on se flétrissait, c’était un plaisir !… Et les épithètes !…

— Et il vous a dévoré ?

— Non. Il m’a écrasé.

— Le vilain…

— Oh ! C’est un très brave homme. L’année d’après, il voulait à toute force me faire décorer…

— Que diable alliez-vous faire dans la politique ?

— Mais… Je me le demande ?

— Vous voyez bien que vous ne pouvez pas répondre de ne pas faire mon Histoire de la Thérapeutique.

— C’est tout différent.

— Auriez-vous deviné il y a trois minutes que nous allions parler Pharaon et politique intensive ?

— Le fait est que notre prévision de nous-même est fort incertaine…

— C’est peut-être qu’il n’y a pas de « Nous-Mêmes » hors de…l’instant…

— O Métaphysique !…

— Voyons, Docteur, est-ce que le pharmacien n’a pas tiré de vous des expressions plus… vives que nature ?… des programmes ou des articles que vous ne pouvez pas relire sans…

— Si vous croyez que je les relis !…

— Enfin vous avez extrait de vous ce que vous ne saviez pas contenir. Et vous ne pouvez pas renier votre… Implexe.

— Il faut croire que j’avais l’Implexe un peu chargé… Quand cela a été fini, que j’ai eu liquidé des comités, payé les frais et noblement remercié les cent treize fidèles…

— Quoi !… Pour cent treize voix…

— Contre Deux mille Quarante Cinq… Au premier tour.

— Vous avez traité un homme de vendu, de traître…

— Il a bien fait allusion à des goûts que je n'ai pas…

— Vous ne savez pas si après-demain…

— J’en réponds. Sur ce chapitre, je suis maître de moi…

— Comme de l’Univers… Mais pas davantage…

— Je me moque de l’Univers…

— Je vous en sais un gré… infini. Docteur…

— Pourquoi ?

— C’est que l’Univers…

— Malheur à nous… Il va se payer encore un perroquet !…

— Celui-ci est le Perroquet des perroquets… Psittacus Psittacorum.

— Et vieux, en outre ! Il a un certain âge.

— Et il est marié.

— Pas possible…

— Avec la perruche Nature… Ces oiseaux magnifiques… majuscules, éblouissent le ciel de l’esprit. Ce sont deux puissants Mots.

— Et vous les mettez sous le microscope…

— Il le faut bien. Je causais de l’Univers, il y a quelque temps, avec un savant Savant… Étoiles, atomes, espace, ondes, transmutations, etc, etc… Vous entendez cela…Tout le matériel actuel…

— Très compliqué.

— Oui. Il y a peu de tout. Des images, des entités inimaginables ; le hasard et la nécessité qui s’accouplent plus ou moins monstrueusement ; des nombres entiers qui assassinent les décimales ; vos tables de mortalité qui prennent un intérêt astronomique…

— Il y a trop de faits, voyez-vous… On ne sait plus comment ramasser tout ce que l’on gagne à la loterie de l’expérience. Tous les résultats parlent à la fois…

— Et c’est la confusion mentale…

— Qui se confond avec la confusion de la réalité.

— En somme, je parlais de l’Univers avec mon savant ; et je lui dis tout à coup : qu’entendez-vous, au juste, par ce mot ?

— Je vous entends d’ici !

— Et bien, il y a longuement hésité… Son visage a pris une expression… indéfinissable…

— C’était le cas…

— Son regard m’a abandonné… Supprimé, dirais-je…

— Voilà une bonne idée. C’était le traitement de choix.

— Et puis il est redescendu du monde…

— Où l’on ne trouve rien.

— Et il m’a dit : une sphère…

— Dont le centre est partout et…

— Non. Une sphère… telle… que rien n’existe hors d’elle.

— Je parie cent mille dollars que vous n’avez pas été satisfait.

— Votre fortune est faite.

— Vous voyez ?

— Quoi, Docteur ?

— Que vous avez une idée fixe, que je l’ai repérée, et que je vous prévois à tout coup, comme je veux !… Je vous manœuvre ad Libitum !

— Mais pas du tout !… Ce n’est qu’une omnivalente… Que diable !

— Encore…

— Et sur ce roc artificiel, nous nous livrons au combat des magiciens !

— Je me change en psychopathe !…

— Je me change en logicien…

— Je vous enferme…

— Je vous…

— A moi, mes fidèles, mes Deux cent treize…

— Vous trichez… Vous avez dit : Cent treize, tout à l’heure…

— Malheur de malheur… C’est la lutte électorale qui recommence..

— Non ! Ah ! Non… Lutte électorale polémiques, épithètes… Mais tout cela, mon cher Docteur, c’est le hideux. Univers de l’Automatisme.

— C’est assez vrai… Je vous disais, il y a un instant, — ou plutôt, j’allais vous dire que quand cette histoire a été finie…

— Tout payé, et les fidèles remerciés, le comité liquidé…

— Oui… J’ai eu l’impression de sortir d’un rêve, de redevenir « moi-même » [.]

— Le rêve donc existe ?

— Exactement comme l’Univers…

— Gare à l’automatisme !…

— Il n’y a pas moyen de s’en passer.

— D’accord… Mais je crains ses progrès…

— En quoi voyez-vous qu’il soit en progrès ?

— L’imitation est la loi du monde actuel. Ses connexions deviennent d’une richesse excessive. Tous les peuples s’imitent. Les capitales ne différent des unes des autres que par les restes du passé… Et il y a d’ailleurs une puissance invincible qui agit, et agira de plus en plus dans ce même sens ?

— Et quoi ?

— La discipline mentale positive, imprimée aux esprits par l’usage ou l’abus des applications des sciences.

— Il y a eu toujours une discipline mentale appliquée à l’énorme majorité des esprits.

— Oui. Il y a eu une discipline… mystique ou métaphysique, — mais inculquée. Je crains que la nôtre, la positive, la justifiée, ne vienne à diminuer dans les têtes la quantité de… Souverain Bien…

— Qu’est-ce que vous dites ?

— Oui. La quantité… ou plutôt le degré de Liberté de l’esprit, — qui est le Souverain Bien.

— J’avoue que je ne vous suis plus. J’aurais cru, au contraire…

— Si… On peut se défaire d’une autorité d’origine externe, — dénouer tous les nœuds, cisailler tous les fils étrangers… La défense est possible… Mais il est presque impossible de se défaire d’habitudes d’esprit qui sont renforcées par l’expérience autant que la pensée peut l’être, et que justifie la critique aussi souvent qu’elle s’applique à les contrôler. La puissance du moderne est fondée sur « l’objectivité ». Mais à y regarder de plus près, on trouve que c’est… l’objectivité même qui est puissante, — et non l’homme même. Il devient instrument, — esclave, — de ce qu’il a trouvé ou forgé : une manière de voir.

— Une méthode… Mais si cette manière est la bonne ? Si elle est comme le seuil, la limite, où des siècles de tâtonnements ont abouti, et devaient aboutir ?

— Assurément… Mais gare à l’automatisme !

— Comment !… Vous faites la chasse aux perroquets, vous poussez à la précision et puis, vous tournez casaque !

— Non. D’ailleurs, il n’existe pas d’esprit qui soit d’accord avec soi-même. Ce ne serait plus un esprit. Mais écoutez un peu. Permettez moi de m’égarer un peu dans la brousse de la morale.

— Allez ! Monsieur…

— Supposez que, par une autorité quelconque…

— Comme toutes les autorités.

— Un code de morale, une table des valeurs morales ait été établie ; le bien le mal, nettement définis ; tous les actes imaginables affectés de coefficients éthiques, positifs ou négatifs…

— Ou nuls… Mais tout ceci existe…

— A peu près. Supposez maintenant que par un procédé également quelconque, suggestion toute puissante, pédiatrie, pédagogie, aussi efficace que la nôtre l’est peu, et qui soit à la nôtre ce que nos moyens matériels sont à ceux des peuplades les plus barbares, — on soit parvenu à rendre l’acte bon tout à fait réflexe, et presque irrésistible ; l’acte mauvais, excessivement pénible, douloureux, même à imaginer…

— Et alors ?

— Alors ?… D’abord, plus de mérite, n’est-ce pas ?… Le bien ne coûterait rien. Au contraire, le mal serait hors de prix…

— Tout marcherait des mieux.

— Mais les moralistes seraient désespérés…

— Je n’y vois pas d’inconvénient… Et pourquoi ?… Ils seraient au comble de la jouissance… Plus de péché, plus de fautes, plus de crimes…

— Mais pas du tout… Ce n’est pas le bien qu’ils aiment… C’est la peine que l’on s’inflige pour faire le bien.

— Mais ce sont des sadiques !

— Ce sont des « sportifs ». Ils goûtent l’effort pour l’effort. Vertu c’est force. Toute force contrarie quelque force. Si je fuis le mal… comme ma main fuit une chose brûlante, — si l’occasion de faire le bien agit sur moi comme agit sur les glandes salivaires…

— Les tripes…

— Horreur… Non, quelque beau fruit !… Alors, la conduite humaine…

— Le comportement.

— Ce mot m’agace… Inutile et récent.

— Phobie !… Il est excellent.

— Bref, je dis que la conduite humaine, ainsi réduite à un automatisme… vertueux, n’offre plus rien d’intéressant.

— Ceci va loin… Va jusqu’en Cour d’Assises.

— Vous ne voyez donc pas que cet automatisme éthique ruinerait tout le monde moral ?…

— C’est plutôt un demi-monde…

— Tarirait la source inconnue de cette « énergie de première qualité », qui…

— Qui quoi ?

— Qui… Enfin, qui anime les actes dont tout l’attrait est idéal… Il exterminerait aussi toute cette subtilité que développent les conflits intestins…

— Oh ! Oh !

— La casuistique de chacun, les ingénieuses inventions qui nous permettent de mentir à nous mêmes…

— Puisque nous nous parlons, nous pouvons bien nous mentir…

— Oui… nous mentir
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