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Citation de Partemps


SOCRATE
L’opulence rend immobile. Mais mon désir est mouvement, Éryximaque… J’aurais besoin maintenant de cette puissance légère qui est le propre de l’abeille, comme elle est le souverain bien de la danseuse… Il faudrait à mon esprit cette force et ce mouvement concentré, qui suspendent l’insecte au-dessus de la multitude des fleurs ; qui le font le vibrant arbitre de la diversité de leurs corolles ; qui le présentent comme il veut, à celle-ci, à celle-là, à cette rose un peu plus écartée ; et qui lui permettent qu’il l’effleure, qu’il la fuie, ou qu’il la pénètre… Ils l’éloignent soudain de celle qu’il a fini d’aimer, comme aussitôt ils l’y ramènent, s’il se repent d’y avoir laissé quelque suc dont le souvenir le suit, duquel la suavité l’obsède pendant le reste de son vol… Ou bien me faudrait-il, ô Phèdre, le subtil déplacement de la danseuse, qui s’insinuant entre mes pensées, les irait éveiller délicatement chacune à son tour, les faisant surgir de l’ombre de mon âme, et paraître à la lumière de vos esprits, dans l’ordre le plus heureux des ordres possibles !

PHÈDRE
Parle, parle… Je vois l’abeille sur ta bouche, et la danseuse dans ton regard !

ÉRYXIMAQUE
Parle, ô Maître dans l’art divin de se fier à la naissante idée !… Auteur toujours heureux des conséquences merveilleuses d’un accident dialectique !… Parle ! Tire le fil doré… Amène de tes absences profondes quelque vivante vérité !

PHÈDRE
Le hasard est avec toi… Il se change insensiblement en sagesse, à mesure que tu le poursuis de la voix dans le labyrinthe de ton âme !

SOCRATE
Eh bien, je prétends, avant toute chose, consulter notre médecin !

ÉRYXIMAQUE
Ce que tu voudras, cher Socrate.

SOCRATE
Dis-moi donc, fils d’Acumène, ô Thérapeute Éryximaque, toi pour qui les drogues très amères et les aromates ténébreux ont si peu de vertus cachées que tu n’en fais aucun usage ; toi donc, qui possédant aussi bien qu’homme du monde, tous les secrets de l’art et ceux de la nature, toutefois ne prescris, ni ne préconises, baumes, ni bols, ni les mastics mystérieux ; toi, davantage, qui ne te fies aux élixirs, qui ne crois guère aux philtres confidentiels ; ô guérisseur sans électuaires, ô dédaigneux de tout ce qui, — poudres, gouttes, gommes, grumeaux, flocons, ou gemmes ou cristaux, — happe à la langue, perce les voûtes olfactives, touche aux ressorts de l’éternuement ou de la nausée, tue ou vivifie ; dis-moi donc, cher ami Éryximaque, et des iâtres le plus versé dans la matière médicale, dis-moi cependant : connais-tu point, parmi tant de substances actives et efficientes, et parmi ces préparations magistrales que ta science contemple comme des armes vaines ou détestables, dans l’arsenal de la pharmacopée, — dis-moi donc, connais-tu point quelque remède spécifique, ou quelque corps exactement antidote, pour ce mal d’entre les maux, ce poison des poisons, ce venin opposé à toute la nature…
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