MOI L'HIVER JE PENSE
Moi l'hiver je pense
Aux petits oiseaux
Qui couvent des oeufs glacés
Dans les arbres
Moi l'hiver je pense
Aux petits poissons
Qui se gèlent les bonbons
La nuit
Dans les rivières.
Je n'aurai pour tout dire
Écrit sur mon chemin
Que mon incertitude
La buée qui recouvrait la vitre
Et peut-être la vitre
Mais jamais la fenêtre
Et jamais le chemin
MOI J'AI TOUJOURS PEUR DU VENT
Me voici
Mes poches
Bourrées de cailloux
Pour rester avec vous
Ne pas m'envoler dans les arbres.
Toujours et Jamais*
Pour Jane
Toujours et Jamais étaient toujours ensemble
Ne se quittaient jamais
On les rencontrait dans toutes les foires
On les voyait le soir traverser le village
Sur un tandem
Toujours guidait Jamais pédalait
C'est du moins ce qu'on supposait
Ils avaient tous les deux une jolie casquette
L'une était noire à carreaux blancs
L'autre blanche à carreaux noirs
A cela on aurait pu les reconnaître
Mais ils passaient toujours le soir
Et avec la vitesse...
Certains d'ailleurs les soupçonnaient
Non sans raison peut-être
D'échanger certains soirs leur casquette
Une autre particularité aurait dû les distinguer
L'un disait toujours bonjour
L'autre toujours bonsoir
Mais on ne sut jamais
Si c'était Toujours qui disait bonjour
Ou Jamais qui disait bonsoir
Car - entre nous – comme ils étaient toujours ensemble
ils ne s'appelaient jamais.
*manuscrite
Ma femme en chair
Notre amour en sanglots
Eclate dans l'enclos
Des refrains populaires
Qui semblaient faits pour nous
Pleurent dans les roseaux
Nos caresses légères
Oh combien je préfère le torrent de ta voix
Elle est tous les oiseaux
Elle est la fleur sauvage
Qui hante la rivière
Elle est le désespoir et le soupir de rage
Elle est triste et les pleurs la rongent
Dans les coins de nos songes.
DE BLEU ET D'OMBRE
LES PAPILLONS
Les papillons
Sont renseignés
Sur toutes les fleurs
Ils portent leur courrier
Sans jamais se tromper
C'est pas qu'ils y voient clair
Mais ils ont du nez
p.95
L'arbre
Par la violence de son vertige
L'arbre a jailli du sol vaincu
Dans l'air où les oiseaux pleuraient
Une fleur au travail
Une abeille au galop
Un couteau dans son poitrail
Le sang du cheval blanc coule au trot
La chaleur arrondit la montagne
Mais glisse sur le tronc de l'arbre
Les feuilles et les tiges
Comme caillou dans la main
Une rivière suffit au rocher
Pour qu'il devienne enfant
La nuit le vent peuple l'arbre
De vieilles femmes aux dessous blancs
Mais à l'aurore ce sont déjà des fleurs
Qui se travaillent en fruits
Tout oiseau qui a touché à l'arbre
Doit mourir de son chant
Ses poussières et son chant
restent propriété de l'arbre
LO TO FOLO (à Daniel Salle)
- Lo to folo lo toto
- Ko ? Ko ? Ko ?
Ko lo folo ?
- Lo toto.
- Oh ! lolo !
Toto lo toto ?
- Toto !
Lo to folo
Mo lo po fo do miotto.
Traduction littérale :
Il a tout fêlé la tête / Quoi ? Quoi ? Quoi ? / Quoi il a fêlé / La tête ./
Oh ! la la ! / Toute la tête ? / Toute ! /
Il l'a toute fêlée / Mais il n'a pas fait de miettes.
N.B. Tous les O de ce poème sont des O fêlés, c'est à dire ouverts.
Il prend une boule de neige
La serre très fort sur son cœur
Et fond tout entier avec elle
Ne laissant ici-bas
Qu'une paire de bretelles
Dans une flaque d'eau.
SUR LE BOUT DES DOIGTS
Je compte les jours
Sur mes doigts
J'y compte aussi mes amis
Mes amours
Un jour
Je ne compterai plus que mes doigts
Sur mes doigts