Pedro Calderon de la Barca

BASILE : Voilà ce que je veux tenter de voir, en l'amenant ici pour qu'il y apprenne qu'il est mon fils et y mettre à l'épreuve ses qualités. S'il a la force d'âme de se vaincre, il régnera, mais s'il se révèle cruel et tyrannique, je le renverrai à ses chaînes. Tu voudras maintenant savoir à quoi bon, pour cette expérience, l'avoir amené endormi de la sorte, et je veux te satisfaire en te répondant sur tout. S'il apprenait aujourd'hui qu'il est mon fils et qu'il se vît demain ramené à sa prison et à sa misère, il y enragerait de désespoir, son caractère nous l'assure ; sachant en effet qui il est, quelle consolation pourrait-il trouver ? Aussi ai-je voulu, pour le mal infligé, laisser ouverte cette porte de sortie : dire que tout ce qu'il a vu était un songe. Deux choses par ce moyen se trouvent mises en évidence : la première est son caractère, puisque éveillé il passe à l'exécution de tout ce qu'il imagine et pense ; et la seconde, sa consolation, puisque même s'il se voit obéi maintenant et retourne ensuite à ses fers, il pourra croire qu'il a fait un songe.

IIème journée.