Quand les rennes des deux attelages s'aperçurent qu'ils étaient talonnés par les loups, ils prirent la fuite, dévalant la montagne dans une course si vertigineuse que les traîneaux furent ballotés de tous côtés et culbutés dans les congères. Le Lapon et sa femme en avaient l'habitude. Ils se cramponnaient, à moitié aveuglés, assourdis ; mais soudain la femme laissa échapper l'enfant qui fut projeté dans la neige. Elle poussa un cri, voulut arrêter son renne, mais en vain : sentant les loups à ses trousses, l'animal dressa les oreilles et n'en courut que plus vite, tellement vite que ses os craquaient comme des noisettes. En un rien de temps, rennes et traîneaux étaient déjà loin.
Couchée dans la neige, enveloppée dans son fourreau de renne, la petite contemplait les étoiles. En un clin d'oeil les loups furent là, et l'enfant, incapable de faire le moindre mouvement, les regarda. Elle ne pleurait pas, elle ne bougeait pas, elle regardait seulement. Les yeux innocents des enfants ont une force merveilleuse : les animaux affamés s'arrêtèrent sans oser la toucher... (Zacharias Topelius, "L'enfant aux yeux d'étoile")