AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de VALENTYNE


Au temps où se passe cette histoire, même les débouchés de chemins isolés, comme celui sur lequel ils se trouvaient, donnaient par un rond-point sur une route de campagne aussi petite et à l’écart qu’elle pût être et cela sur le continent tout entier.
Cette circulation en rond continuait sur les grandes routes et même beaucoup plus fréquemment, parce qu’il y avait un bien plus grand nombre d’accès. À peine s’était-on habitué à aller tout droit en s’ imaginant aller enfin vers un but, que déjà il fallait laisser un de ces ronds-points derrière soi, puis encore un et ainsi de suite.
Et à la fin d’un pareil voyage, eût-il duré la journée entière, on pouvait bien avoir perdu le sens de la direction dans laquelle on était allé ou même simplement l’impression d’avoir voyagé. C’était plutôt un vertige qui s’ installait comme après une trop longue partie de tours de manège, qui se serait terminée à l’arrivée dans un tout autre pays, à peu près à l’endroit même où elle avait débuté.
Une telle arrivée à une destination prétendument lointaine avait de quoi donner non seulement le vertige, mais aussi de quoi dégoûter de tout voyage ou même d’un simple départ, de quoi donner le mal du voyage - ce qui était pire encore que le mal de mer –, de faire prendre en horreur toute forme de déplacement.
De plus, du temps où se déroule cette histoire, il n’y avait plus guère de cols élevés à franchir en automobile. La plupart des cols d’Europe étaient pour ainsi dire hors service et, en règle générale, même les plus utilisables, à cause de chutes de pierres ou des masses végétales non évacuées. Au lieu de franchir le continent sur les hauteurs, par les cols, on le traversait presque exclusivement, en bas, par des tunnels aussi nombreux entre-temps que les ronds-points. Bien que les frontières d’État se fussent multipliées – il y en avait plus que jamais -, celles-ci restaient imperceptibles, quelque part, au milieu d’un de ces tunnels, d’autant plus que tous les contrôles frontaliers avaient été supprimés et qu’on ne voyait plus aucun douanier nulle part.
Ce tunnelage du continent contribuait à donner au temps passé en route quelque chose d’un voyage en train fantôme, on semblait descendre juste à côté de là où on était monté. Parti pour l’aventureux et grand pays étranger, on se retrouvait à la fin à sa propre porte, avec le heurtoir et un monogramme semblable sur l’essuie-pieds, dans une rue presque identique à celle dont on a depuis si longtemps chez soi l’habitude en ville, en banlieue ou à la campagne : on sort du tunnel et on est à la maison – où peut-être on ne voulait plus jamais retourner.
P 93
Commenter  J’apprécie          40





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}