Citations de Peter Handke (398)
Il est bon de se perdre une heure par jour. C'est même nécessaire, absolument. Ça fait beaucoup de bien. Et on peut se perdre encore en France. C'est un privilège plus rare qu'on ne le croit.
Bibliobs 25 mai 2014
Je suis si seul que le soir avant de m'endormir, je ne trouve personne à qui penser, simplement parce que de toute la journée, je n'ai été en compagnie de personne. Et comment écrire, si on n'a personne à qui réfléchir ?
(p. 80)
CHANT DE L’ENFANCE
Lorsque l’enfant était enfant,
il marchait les bras ballants,
voulait que le ruisseau soit rivière
et la rivière fleuve,
que cette flaque soit la mer.
Lorsque l’enfant était enfant,
il ne savait pas qu’il était enfant,
tout pour lui avait une âme
et toutes les âmes étaient une.
Lorsque l’enfant était enfant,
il n’avait d’opinion sur rien,
il n’avait pas d’habitudes,
il s’asseyait en tailleur,
démarrait en courant,
avait une mèche rebelle
et ne faisait pas de mines quand on le photographiait.
Lorsque l’enfant était enfant,
ce fut le temps des questions suivantes :
pourquoi suis-je moi, et pourquoi pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est-elle pas un rêve ?
Ce que je vois, entends, sens,
n’est-ce pas simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe-t-il vraiment
et des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi, qui suis moi,
avant de devenir, je n’étais pas,
et qu’un jour moi, qui suis moi,
je ne serai plus ce moi que je suis.
(…)
... même quand les phrases ont l'apparence d'une citation, elles ne doivent à aucun moment faire oublier qu'elles s'appliquent, pour moi du moins, à quelqu'un de particulier - et pour qu'elles me paraissent utilisables, il faut que l'idée centrale, forte et bien pesée, soit ce prétexte personnel, privé si l'on veut.
(p. 54)
Peter Handke disait à son traducteur : " Creuse ton français pour t'approcher de mon allemand".
Pensez ce que vous voudrez. Plus vous croirez pouvoir parler de moi, plus je serai libre à votre égard. Parfois, il me semble que ce qu'on apprend de neuf sur les gens n'a déjà plus de valeur. À l'avenir, si quelqu'un m'explique comment je suis - et fût - ce pour me flatter ou me rendre plus forte , je n'admettrai plus une telle insolence.
(p. 33)
Il arrive parfois dans la lecture que nous ayons le bonheur de vivre pleinement celle-ci, comme une existence amplifiée.
Les avantages n'étaient en général que des désavantages manquants : pas de bruit, pas de responsabilité, pas de travail chez les autres, pas de départ journalier de la maison et de séparation des enfants. Les désavantages réels étaient donc annulés par les désavantages absents.
(p. 76)
Als das kind kind war - Lorsque l’enfant était enfant
Lorsque l’enfant était enfant,
Il marchait les bras ballants,
Il voulait que le ruisseau soit une rivière
Et la rivière un fleuve,
Et que cette flaque d’eau soit la mer.
Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Pour lui, tout avait une âme
Et toutes les âmes n’en faisaient qu’une.
Lorsque l’enfant était enfant,
Il n’avait d’opinion sur rien,
Il n’avait pas d’habitudes
Souvent, il s’asseyait en tailleur,
Partait en courant,
Il avait une mèche rebelle,
Et il ne faisait pas de mines quand on le photographiait.
Lorsque l’enfant était enfant,
Vint le temps des questions comme celles-ci :
Pourquoi est-ce que je suis moi et
Pourquoi est-ce que je ne suis pas toi ?
Pourquoi est-ce que je suis ici et
Pourquoi est-ce que je ne suis pas ailleurs ?
Quand a commencé le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est-elle rien d’autre qu’un rêve ?
Ce que je vois, ce que j’entends, ce que je sens,
N’est-ce pas simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Est-ce que le mal existe véritablement ?
Est-ce qu’il y a des gens qui sont vraiment mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi,
Avant que je le devienne, je ne l’étais pas,
Et qu’un jour moi qui suis moi,
Je ne serai plus ce moi que je suis ?
Lorsque l’enfant était enfant,
Il avait du mal à ingurgiter les épinards,
Les petits pois, le riz au lait et le chou-fleur bouilli.
Et maintenant il mange tout ça et pas seulement par nécessité.
Lorsque l’enfant était enfant,
Il s’est réveillé un jour dans un lit qui n’était pas le sien
Et maintenant, ça lui arrive souvent.
Beaucoup de gens lui paraissaient beaux
Et maintenant, avec beaucoup de chance, quelques-uns.
Il se faisait une image précise du paradis
Et maintenant, c’est tout juste s’il l’entrevoit.
Il ne pouvait imaginer le néant
Et maintenant, il l’évoque et tremble de peur.
Lorsque l’enfant était enfant,
Le jeu était sa grande affaire
Et maintenant, il s’affaire comme naguère
Mais seulement quand il s’agit de son travail.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les pommes et du pain lui suffisaient comme nourriture,
Et c’est toujours ainsi.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les baies tombaient dans sa main comme seules tombent les baies,
Et c’est toujours ainsi.
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
Et c’est toujours ainsi.
Au sommet de chaque montagne, il avait le désir
D’une montagne encore plus haute,
Et dans chaque ville, le désir d’une ville encore plus grande,
Et c’est toujours ainsi.
Au sommet de l’arbre, il tendait les bras vers les cerises,
Avec la même volupté qu’aujourd’hui,
Un inconnu l’intimidait,
Et c’est toujours ainsi.
Il attendait la première neige et toujours il l’attendra.
Lorsque l’enfant était enfant, il a lancé un bâton contre un arbre,
Comme un javelot
Et il y vibre toujours.
(Das Lied vom Kindsein - Le Chant de l'enfance,
Peter Handke
extrait du film Der Himmel über Berlin - Les Ailes du désir
Wim Wenders, 1987)
[L'auteur parle de sa mère, suicidée.]
Un sanglot ridicule dans les toilettes quand j'étais petit, quelqu'un qui se mouche, des yeux rouges et battus. Elle était ; elle fut ; elle ne fut rien.
[...] même quand les phrases ont l'apparence d'une citation, elles ne doivent à aucun moment faire oublier qu'elles s'appliquent, pour moi du moins, à quelqu'un de particulier - et pour qu'elles me paraissent utilisables, il faut que l'idée centrale, forte et bien pesée, soit ce prétexte personnel, privé si l'on veut.
- Le malheur indifférent - p.54, Éd. Folio n°976
À côté du téléviseur était posée une cage où un canari donnait des coups de bec dans un os de seiche........Lorsque nous traversames le parking pour retourner à la voiture, je vis par- dessus le dos d'une colline un petit nuage mince qu'éclairait encore le soleil derrière elle. Il était si blanc ce nuage au-dessus de la colline sombre redevenue une simple surface plate, que je vis d'abord sans le vouloir dans le ciel un os de seiche. Et tout à coup je compris comment des métaphores peuvent naître à partir des erreurs des sens et d'illusions optiques.
p.75
Ne rien souhaiter m'apparaît souvent comme une faiblesse et j'aimerais souvent l'éprouver comme une force.
L'histoire du crayon p 111
Lorsque l'enfant était enfant,
il marchait les bras ballants,
voulait que le ruisseau soit rivière
et la rivière fleuve,
que cette flaque soit la mer
Lorsque l'enfant était enfant,
il ne savait pas qu'il était enfant,
tout pour lui avait une âme
et toutes les âmes étaient une
Lorsque l'enfant était enfant,
il n'avait d'opinion sur rien,
il n'avait pas d'habitudes,
il s'asseyait en tailleur,
démarrait en courant,
avait une mèche rebelle
et ne faisait pas de mines quand on le photographiait..
Lorsque l'enfant était enfant,
ce fut le temps des questions suivantes:
pourquoi suis-je moi, et pourquoi pas moi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi pas là ?
Quand commence le temps et où finit l'espace ?
La vie sous le soleil n'est-elle pas un rêve ?
Ce que je vois, entend, sens, n'est-ce pas simplement
l'apparence d'un monde devant le monde ?
Le mal existe-t-il vraiment et des gens
qui sont vraiment les mauvais ?
comment se fait-il que moi, qui suis moi,
avant de devenir, je n'étais pas,
et qu'un jour moi, qui suis moi,
je ne serai plus ce moi que je suis.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les pommes et le pain suffisaient à le nourrir,
Et il en est toujours ainsi.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les baies tombaient dans sa main comme seule tombent des baies,
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
Et c’est toujours ainsi.
Sur chaque montagne, il avait le désir d’une montagne encore plus haute,
Et dans chaque ville, le désir d’une ville plus grande encore,
Et il en est toujours ainsi.
Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises , exalté
Comme aujourd’hui encore,
Etait intimidé par les inconnus et il l’est toujours,
Il attendait la première neige et il l’attend toujours.
Lorsque l’enfant était enfant il a lancé un bâton contre un arbre, comme une lance,
Et elle y vibre toujours.
Le premier pas sur un sol de steppe était une émotion nouvelle à chaque fois, dit-il, ce passage des surfaces bétonnées, asphaltées, pavées, tassées devant garage, caserne, gare, enclos à bestiaux à l’abandon, à ce sol de base, aussitôt souple, qui amortissait tant la pesanteur du corps. Comme c’était facile, presque trop. C’est pour cela aussi que j’ai mis des cailloux dans mes poches et je comprenais mieux le poète qui, dit-il un jour, mangeait, absorbait tant, parce que de cette façon sans vouloir se débarrasser de son émotion, il la chargeait au contraire de sa pesanteur.
Du fait que nous ne jouons pas et que nous n'agissons pas en jouant, cette pièce n'est ni franchement comique, ni franchement tragique.
L'enfant, par le seul fait d'être, sans rien qui le distinguât, rayonnait de sérénité - l'innocence était une forme d'esprit! - et cela se communiquait presque furtivement à l'adulte à l'extérieur ; entre eux deux, là-bas, paraissait former une fois pour toutes un groupe de conjurés.
Je ne peux pas répéter l'expérience, mais le chemin.
La scène n'est pas un monde, pas plus que le monde n'est une scène.
Dans les arts seuls se maintient la respiration du passé