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Citation de Olaf


J’ai éteint la télé. Installé le chevalet sur le carrelage près de la fenêtre et j’ai pris une autre toile de soixante par quatre-vingt-dix de la pile enveloppée dans une bâche, sorti mes tubes et j’ai peint un cheval couvert de poissons rouges et bleus se tenant au bord d’une falaise et perché sur un rocher, un corbeau à l’œil bleu qui l’observait. Le bec du corbeau était à moitié ouvert. Rien de plus. Ça me plaisait. Le corbeau n’était pas totalement désintéressé puisqu’un cheval mort était synonyme de grand festin, de potlatch pour corbeau, mais je crois que l’oiseau parlait plutôt de choix au cheval, lui disait qu’il n’était pas obligé de sauter. Il était clair que pour une raison ou une autre, le cheval était censé sauter et que le concept de libre arbitre lui était inconnu. Tous les événements de sa vie s’étaient présentés dans un certain ordre et soit on lui avait dit quoi faire, soit il l’avait su en son for intérieur, si bien que l’idée d’avoir à choisir entre deux possibilités n’était jamais entrée en ligne de compte.

Son instinct et son devoir entraient en conflit depuis l’intervention du corbeau. J’ai eu un peu de peine pour le cheval.

(…) En y regardant de plus près, je n’étais pas sûr que le corbeau rende service au cheval. D’après ce que j’avais pu lire sur eux je ne sais plus où, les corbeaux sont beaucoup plus intelligents que ce laisse croire leur situation. J’entends par là que contrairement à d’autres oiseaux, il leur suffit d’environ deux heures chaque jour pour trouver à se nourrir et que le reste du temps est dédié à l’amusement, aux activités facultatives. Ils sont tellement intelligents qu’ils s’ennuient facilement. J’avais lu qu’en Californie, les corbeaux mangeaient les yeux des bébés phoques et des lions de mer surtout pour le plaisir. Parce qu’ils pouvaient le faire. Ce qui ressemble davantage au comportement d’un humain. J’ai imaginé Dugar à Big Sur, dans le paysage de ses rêves, témoin d’une chose pareille. Tout ça pour dire que les corbeaux doivent passer beaucoup de temps sur terre, un cruel dilemme existentiel pour quiconque n’a pas de télévision. Du coup, j’ai regardé le tableau sous un jour nouveau : ce corbeau était plus méchant qu’il n’en avait l’air au départ. Il présentait ce choix au cheval comme le serpent avait présenté la pomme. Pauvre cheval. Cela se résumait à sauter et mourir ou à vivre hanté par cet aptitude à choisir. Ce qui, quand j’y pense, pourrait servir de définition à la conscience. J’ai eu de la peine pour à peu près tout le monde.
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